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REVUE MUSICALE


Concerts de M. Edouard Risler. — THEATRE DE L’OPERA-COMIQUE : Béatrice, légende lyrique en quatre actes ; paroles de M. Robert de Fiers et de Caillavet, d’après Charles Nodier, musique de M. André Messager. — M. Battistini dans Henry VIII. — Pour le centenaire de Gounod.


En écoutant pour la première fois après plus de trois années, et lesquelles ! un opéra, la Béatrice de M. Messager, nous posions tout bas à la musique, à la musique de théâtre, la vieille question : « Que me veux-tu ? Qu’y a-t-il présentement de commun entre toi et nous ? » Depuis si longtemps, nous vivions séparé, comme exilé de cette musique-là, qu’une reprise de contact avec elle ne pouvait manquer de nous causer un certain trouble, une sorte de vague malaise. L’autre musique, la musique de concert ou de chambre, celle qu’on a si bien nommée la musique pure, répond mieux, par sa pureté même, par ce qu’elle a de plus serein, de plus auguste et de plus libre, aux pensées, aux sentimens qui sont les nôtres aujourd’hui. Loin de les offenser jamais, ou seulement de les détourner, de les contraindre, elle les respecte et les seconde. J’en atteste les concerts donnés par M. Edouard Risler, seul d’abord, ensuite avec M. Lucien Capet, cet autre grand interprète des maîtres, leur interprète fidèle, pur, et je dirais volontiers religieux. Ils ont témoigné magnifiquement, ces concerts, de l’accord mystérieux, éternel, — où le regretté Charles Lévêque voyait la nature et l’essence même de la musique, — entre « les belles formes des sons et les belles forces de l’âme. » Plus haute et plus profonde que jamais, comme si la douleur, le deuil public, et le sien même, l’avait encore ennoblie et spiritualisée, l’exécution, par M. Risler, de certaines œuvres sublimes,