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La vitesse, — c’est une idée que j’ai souvent développée ici même et sur laquelle on ne saurait trop insister, — la vitesse d’un objectif, qui interdit sur lui les tirs réglés, précis, répétés, est, en effet, une sécurité bien supérieure à celle des blindâmes et des abris les mieux faits. N’être pas repéré vaut mieux que d’être abrité ; or, un objectif qui se déplace très vite est comme s’il n’était pas ou était mal repéré.

Les conditions d’emploi des autos blindés se sont trouvées fort limitées lorsque la guerre de mouvement s’est stabilisée. De tels autos ne peuvent, en effet, guère circuler en dehors des routes et surtout dans les terrains, bouleversés et amollis par les obus, des fronts stables, car leurs roues s’y enlizeraient.

C’est pour ces motifs que l’usage courant en vue d’attaques terrestres des autos blindés a à peu près disparu sur notre front. Cela ne veut pas dire d’ailleurs que, pour certains autres usages spéciaux, les autos armés ne rendent pas de grands services ; en particulier on emploie beaucoup les auto-canons dans le tir contre aéronefs (ballons ou avions), dans le « tir anti-aérien, » comme on dit maintenant en un déplorable langage, qui eût fait frémir Vaugelas. C’est que les batteries qui tirent contre avions sont facilement repérées par les avions mêmes qu’elles bombardent, et sujettes à voir à leur tour un tir réglé sur elles par l’intermédiaire même de l’avion objectif. C’est pourquoi il a paru utile de rendre mobiles ces batteries spéciales. C’est ce que les auto-canons réalisent fort bien.

Quant à l’emploi, contre le front même, des autos armés, il n’est plus guère possible que dans les lieux et les époques où réapparaît la guerre de mouvement. Alors il reprend toute sa valeur comme l’ont montré des exemples récens : en particulier lors de la dernière retraite italienne, ce sont des sections d’automobiles blindés de nos alliés qui avaient la lourde charge de défendre les ponts du Tagliamento et de la Piave jusqu’à ce que les arrière-gardes de cavalerie les eussent passés, puis de les brûler derrière elles. Elles se sont fort bien acquittées de cette mission avec des pertes relativement minimes.


Au point où nous en sommes arrivé de cet exposé, on pourrait croire que les tanks sont nés de la nécessité d’avoir, sur le front stabilisé, des engins remplissant le rôle des autos blindés dans la guerre de mouvement. Or il n’en est rien, et la preuve c’est que la