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que nous les avait donnés en partie la frontière de 1789. N’oublions pas que dans la métallurgie et l’industrie, en attendant que nous sachions utiliser nos forces hydrauliques, houille verte et houille blanche, la véritable matière première est le charbon.

Nous étions avant la guerre en déficit de plus de 20 millions de tonnes de charbon sur les quantités nécessaires à notre consommation ; nous importions 6 millions de tonnes d’Allemagne, 11 millions d’Angleterre, 4 à 5 millions de Belgique. Notre extraction nationale ne dépassait pas 42 millions de tonnes. Or la réintégration de l’Alsace et de la Lorraine augmentera ce déficit de toutes les quantités nécessaires aux populations et aux industries de ces deux provinces et au traitement du fer lorrain. Le déficit passerait certainement à plus de 40 millions de tonnes. C’est bien d’ailleurs ce qu’avait fait remarquer un rapport du Comité des Forges, au sujet de la reprise économique après la guerre. L’adjonction du minerai lorrain aux ressources actuelles de la France aggraverait la situation métallurgique par l’accroissement du déficit en charbon. On ne pourrait exploiter les richesses ferrifères de la Lorraine qu’avec le charbon allemand, car ni l’Angleterre, ni la Belgique ne peuvent guère augmenter leur exportation. Mais heureusement qu’à côté même des minerais de fer lorrains, en pleine Lorraine, contrairement à ce qui se passe ordinairement dans la nature, se trouve le charbon de la Sarre. A tous les titres il est nôtre. Sans doute le charbon du bassin de la Sarre ne suffirait pas, dans les conditions actuelles de l’exploitation, à combler notre déficit. Mais il est certain que le gouvernement allemand en avait réduit l’extraction au profit des mines fiscales rhénanes et des charbonnages de Westphalie. Les conditions de paix devront prévoir-un privilège de la France sur les achats de charbon en pays rhénan. Cependant le bassin de la Sarre, soumis à une exploitation rationnelle, reste le complément indispensable de la Lorraine minière[1].

Pour nous résumer, si l’on reprend les tracés successifs de la frontière orientale de la France, l’on constate que la frontière de 1789 nous laissait le minerai et le charbon, peu connus d’ailleurs à cette époque, que le traité de 1814 avait confirmé cette frontière, que le traité de 1815 n’enlevait que la moitié

  1. L’après-guerre. Le fer et le charbon lorrains, de Maurice Alfassa, préface du général Malleterre et de M. André Lebon ; Belin.