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des gisemens de Briey, dont l’exploitation commença vers 1896, la ramena vers la matière première, et nous vîmes alors se développer une floraison magnifique d’usines et de hauts fourneaux le long de la frontière. Pour ne citer, qu’un seul chiffre, Briey donnait 19 millions de tonnes de fer en 1914 à notre industrie. La région annexée se développait également, fournissant plus de 20 millions de tonnes à la métallurgie allemande, et il se produisait fatalement entre les métallurgies rivales des rapports et des accords favorables aux deux parties. Mais déjà au moment de la guerre, on ne pouvait douter que l’Allemagne ne fit de très grands efforts pour s’assurer en France une sorte de mainmise sur toutes les mines de fer disponibles, et, en particulier, sur celles de Briey et de Normandie.

On ne doit pas s’étonner que, dès le début de la guerre, elle ait profité de sa situation militaire pour s’emparer des exploitations de Briey. Aucune disposition n’avait été prise d’ailleurs pour les préserver. Il est prouvé aujourd’hui que non seulement notre haut commandement n’a pas été suffisamment informé de la nécessité impérieuse de protéger ces régions, mais que son attention n’a pas été depuis l’invasion attirée comme il l’aurait fallu sur le rôle qu’elle joue dans l’usine de guerre allemande. Une ardente polémique a été soulevée au cours de la guerre à ce sujet, j’y ai pris part, elle n’est pas terminée, je me borne à enregistrer l’aveu même des Allemands que sans la possession du bassin de Briey et de Thionville, ils n’auraient pas pu continuer la guerre. L’usine de guerre allemande, qui a fait ses preuves et contre laquelle la nôtre, inexistante en 1914, improvisée depuis la Marne avec une admirable énergie, a eu tant de peine à combattre, tire les trois quarts de son acier des deux Lorraines et du Luxembourg[1].

Sans insister davantage, il est hors de doute que pour garantir l’avenir, nous devons enlever à l’Allemagne ces régions, qui sont nôtres d’ailleurs. Et nous devons aller plus loin. Au fer lorrain nous devons ajouter les charbons de la Sarre, tels

  1. L’invasion allemande nous a fait perdre d’un seul coup plus des trois quarts de nos minerais de fer, de nos hauts fourneaux et de nos usines métallurgiques (Nord et Est). Comprend-on avec quelles ressources l’Allemagne mène la guerre de matériel et quelle était notre situation en septembre 1914, après la Marne ! Lire l’article de M. de Launay dans la Revue : Le problème franco-allemand du fer, 15 juillet 1916 ; — F. Engerand, Ce que l’Allemagne voulait, ce que la France aura, 1916 ; Ténin-Sirey.