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En résumé, la frontière militaire du Nord-Est était fixée à une distance plus ou moins grande de la frontière politique franco-allemande. Il ne pouvait en être autrement, et par le tracé même de la nouvelle frontière et par le relief du sol. Nancy, à quelques kilomètres à l’Est de Toul, ne fut pas fortifié, bien que l’admirable ceinture de hauteurs qui l’entoure se prêtât à l’organisation d’un camp retranché. Certes, ce ne fut pas faute d’y penser et d’en avoir fait le projet… Mais l’état-major allemand, fort de sa position en Lorraine, fit un casus belli de la fortification de Nancy. Et nous dûmes dévorer l’affront !

Entre le tracé de la frontière et les régions fortifiées, il y avait donc un espace libre qui pouvait être couvert par l’invasion. La conséquence du recul de notre frontière militaire était que la concentration de nos armées devait s’opérer en arrière et à l’abri de la défense fixe. Les forteresses de la Meuse et de la Moselle n’avaient pas seulement pour but d’enrayer l’invasion, mais elles couvraient le rassemblement de nos armées et favorisaient leur offensive éventuelle. Elles ne suffisaient pas cependant, puisqu’il y avait des zones ouvertes, et il importait en outre de ne pas laisser l’ennemi s’emparer immédiatement de Nancy, de la Woëvre et des Vosges et s’avancer impunément vers notre concentration.

Aussi, de même que les Allemands accumulaient troupes et matériel en Alsace-Lorraine comme couverture de leur concentration, nous dûmes constituer dans la région lorraine de fortes et solides garnisons qui remplirent exactement le même rôle de couverture que de l’autre côté de la frontière. Ce furent d’abord le 6e corps et le 7e corps, dont les chefs-lieux étaient à Châlons et Besançon, appointés plus tard du 20e corps à Nancy. Ces corps à effectifs renforcés, commandés par les meilleurs chefs de l’armée qui tenaient à honneur d’y être nommés, très entraînés, ont eu la garde sacrée de la frontière pendant plus de quarante ans. Nous dirons plus loin comment cette couverture parut à un moment insuffisante et les mesures qui la renforcèrent à la veille même de la guerre.

Comme on le voit, la situation militaire créée par la frontière du traité de Francfort avait amené la France à organiser une frontière militaire très solide sur la Meuse et la Moselle, derrière laquelle elle abritait et protégeait sa concentration. Mais la carte le montre bien. La concentration de la totalité de