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retranchés d’Epinal et Belfort, sur les Hauts de Moselle. Elle barrait les routes des Vosges et la trouée de Belfort. Moins importante peut-être que celle de Verdun-Toul, elle assurait du moins à nos armées le débouché éventuel dans la haute Lorraine et en Alsace.

Le général de Rivière ne tomba pas dans l’excès de son système. Il n’eut jamais l’intention de construire une muraille de Chine, ni une ceinture de fer continue. Outre que la dépense eût été hors de proportion avec les ressources du pays et avec l’intérêt même de la défense, il imposait à l’offensive allemande, par la disposition de ces deux régions fortifiées, l’obligation de passer entre les deux, ou de chercher le franchissement de la Meuse au Nord de Verdun. Elle était coupée en deux directions divergentes et séparées, cherchant les passages libres. C’est ce qu’on appela plus tard, à tort selon nous, les trouées de Charmes et de Stenay. Ce furent tout simplement des zones ouvertes aux batailles, mais suffisamment restreintes en étendue et assez fortement étayées aux ailes pour que nos armées pussent y attendre ou y chercher le choc des armées allemandes dans des conditions avantageuses.

Mais en arrière de ces zones ouvertes, et à bonne distance, d’autres régions fortifiées étaient organisées pour servir de repli aux armées en retraite et leur permettre de se réorganiser et de reprendre l’offensive. C’est ainsi que Langres, Dijon défendaient les routes de la Seine et de la Marne, et que Reims, Laon, La Fère barraient les routes de l’Oise et de l’Aisne.

Le général de Rivière ne s’était pas borné à cette organisation du Nord-Est. Il avait prévu que, si la barrière qu’il organisait à l’Est tenait bon, l’état-major allemand chercherait à la tourner et à s’ouvrir autre part les routes de Paris. Pour cela il fallait qu’il passât par la Belgique ou par la Suisse. Par la Belgique, il abordait notre frontière du Nord pour atteindre les routes de l’Oise et de la Somme. L’histoire donnait la preuve que la dispute entre France et Allemagne s’était déroulée souvent en Belgique dans les Flandres et dans l’Artois. Rivière jugea avec raison que la frontière militaire ne serait inviolable que si elle s’étendait jusqu’à la Manche. Il utilisa les Vieilles places du Nord avec leur système d’inondations et y créa également des régions fortifiées. Nous verrons plus loin ce qu’il advint de cette organisation du Nord. La frontière du Jura eut aussi sa part d’attention.