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ils régnent sur les entreprises pétrolifères roumaines, dont les plus importantes appartiennent à la Deutsche Bank et à la Disconto Gesellschaft. La guerre a ruiné bon nombre de puits, mais, dès la reprise de l’activité générale, le pétrole ne contribuera pas peu à ouvrir au pays, s’il sait mieux en profiter en prenant plus de part aux bénéfices, une nouvelle ère de prospérité.

Le sol roumain ne possède ni fer, ni charbon, rien que des mines de lignite. Aussi ses habitans doivent-ils renoncer, semble-t-il, à de vastes ambitions industrielles, quoiqu’ils aient fait des efforts appréciables pour l’installation d’une industrie textile. La grande métallurgie est jusqu’à présent pour eux un domaine interdit. Le fer ouvré leur arrive plus facilement de Silésie, grâce à la ressource des chemins de fer autrichiens, que d’Angleterre et de Belgique en empruntant la voie de mer. Celle-ci demeure du reste fermée, tant que dure l’hiver, par les glaces du Danube ; la mer n’est accessible en cette saison que par le port insuffisant de Constantza. On peut tout de même s’étonner que le roi Carol, plein de sollicitude pour son armée, l’ait laissée, quant au matériel de guerre, à la discrétion des Empires centraux, où elle se fournissait de fusils et de canons. Il n’existait même pas dans le pays de fabrique de munitions. Rester tributaire de la complaisance ou de la politique de voisins défians, c’est s’exposer, en cas de danger national, à l’impuissance, à l’immobilité, quand ce n’est pas à la défaite.

M. Stourdza, étant président du Conseil, répétait volontiers : « La Roumanie doit se développer au moyen de l’argent étranger, mais par le travail roumain. » Cela revenait à dire : Confiez-nous vos capitaux, nous les ferons fructifier. Devant cette prétention, nos hommes d’affaires faisaient la grimace ; ils entendaient être les maîtres dans les conseils d’administration, disposer de l’emploi des fonds et s’attribuer à eux-mêmes des places lucratives. Et cependant le vieux ministre, s’il s’exagérait les facultés de travail de ses compatriotes, voyait juste pour ce qui est du danger d’une trop large intrusion dans les entreprises roumaines de la finance étrangère. Un petit État, si pauvre qu’il soit, doit se garder de la laisser pénétrer trop complètement dans son développement industriel. C’est par les conseils d’administration qu’elle commence et par la domination économique qu’elle finit. Personne n’a mieux que les Allemands pratiqué cet envahissement méthodique des nations