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progressait rapidement. Après Santos Dumont qui, le 22 novembre 1906, parcourait 220 mètres en vol plané, une pléiade d’inventeurs, les Blériot, les Delagrange, les Farman, les Wright perfectionnaient les moteurs légers. En 1909, Blériot traversait la Manche, Paulhan gagnait le record de la hauteur à 1 380 mètres et Farman celui de la distance avec un parcours de 232 kilomètres. Un visionnaire, le vicomte Melchior de Vogüé, entrevoyait déjà le prodigieux développement de la marche dans les airs. Toute la jeunesse du siècle désirait de s’envoler. Guynemer se portant vers l’invention nouvelle avec sa fougue coutumière, faisait-il autre chose que se livrer à l’engouement général ? Ses camarades rêvaient, comme lui, de la construction et des pièces. Cependant le lieutenant Constantin en juge autrement : « Quand un avion venait à survoler le quartier, il le suivait des yeux et restait à contempler le ciel bien après sa disparition. Son bureau renfermait toute une collection de volumes, de photographies ayant trait à l’aviation. Sa résolution était prise de s’échapper un jour pour monter en avion ; et comme il était extrêmement volontaire, il essaya par tous les moyens. « Tu ne connais pas quelqu’un qui pourrait « m’emmener un dimanche ? » À qui n’a-t-il pas posé cette question ? Mais au collège ce n’était guère facile. Ce fut pendant ses vacances qu’il réussit à mettre ses projets à exécution. Je crois me rappeler que sa première ascension eut lieu à l’aérodrome de Compiègne. Dans ce temps-là on ne connaissait pas les carlingues confortables des appareils actuels ; il dut s’installer tant bien que mal derrière le pilote et s’accrocher à lui, en lui nouant les bras autour du corps pour ne point tomber, mais aussi quelle joie en descendant !… »

Ce qu’il faut retirer de cette confidence, c’est tout simplement la première phrase : Quand un avion venait à survoler le quartier, il le suivait des yeux et il restait à contempler le ciel bien après sa disparition. Si Jean Krebs avait survécu, il pourrait peut-être nous renseigner mieux. Encore n’est-ce point certain. À cet ami raisonnable Georges Guynemer aurait-il révélé ce que lui-même ne démêlait que confusément ? Jean Constantin n’a surpris qu’une rêverie : Guynemer a dû garder pour lui sa résolution. Un peu plus tard, guère plus tard, comme il doit interrompre une fois de plus ses études, — c’est l’année de sa préparation à Polytechnique, — son père, désireux