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— C’est impossible, après certaines victoires, de ne pas faire une belle pirouette. On est tellement content !

Cela, c’est le cri de la jeunesse. « Ils plaisantent et jouent devant la mort comme hier à la récréation…[1]. » Mais il ajouta aussitôt :

— Cela fait tant de plaisir aux poilus qui nous « guignent » d’en bas[2] !

Le jongleur du ciel travaillait pour son frère le fantassin. Comme l’alouette qui chante fait lever la tête au paysan penché sur son sillon, l’avion vainqueur, par ses renversemens, ses loopings, ses virages serrés, ses spirales, ses vrilles, ses chandelles, ses piqués, par tous les tours de voltige aérienne, distrayait un instant les laboureurs douloureux de la tranchée.

Puissent les lecteurs de ces articles, composés selon les règles fixées par le jeune Paul Bailly, — après, toutefois, qu’ils auront terminé leur lecture, — lever la tête et chercher dans l’azur, où il mena si souvent et si haut les trois couleurs de France, un invisible et impérissable Guynemer !


I. — L’ENFANCE DU NOUVEAU CID


I. — LES ORIGINES

Dans son livre sur la Chevalerie, le bon Léon Gautier, prenant le chevalier au berceau et désireux de lui composer immédiatement une atmosphère surnaturelle, interprète à sa façon la pose du bébé qui dort, souriant aux anges. « Suivant une étrange légende dont l’origine n’a pas encore été suffisamment éclaircie, explique-t-il, l’enfant, dans son sommeil, entend la « musique, » l’incomparable musique que font les astres en gravitant dans le ciel. Oui, ce que les plus illustres savans n’ont pu que soupçonner, ces oreilles à peine ouvertes l’entendent distinctement et en sont ravies. Fable charmante et qui donne à l’innocence en sa fleur plus de droits qu’à la science en son orgueil[3]… »

Le biographe de Guynemer aimerait pouvoir affirmer que notre nouveau chevalier entendit ainsi, dès le berceau, la

  1. Henri Laredan (Illustration du 6 octobre 1917). »
  2. Pierre L’Ermite (Croix du 7 octobre 1917).
  3. La Chevalerie, par Léon Gautier, A. Walter édit. 1895.