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REVUE DRAMATIQUE

Théâtre Antoine. — Les Butors et la Finette, pièce en six tableaux en vers par M. François Porché.


Voici une œuvre jeune, brillante, généreuse, noblement et joliment française. Le public l’a tout de suite adoptée ; la critique a été à peu près unanime à la fêter : c’est une joie d’y applaudir. Elle apporte dans la littérature de guerre une note qui n’avait pas encore été donnée. Car on a fait beaucoup de pièces, comme on a fait beaucoup de livres, qui empruntent leur sujet à la guerre. Elles nous présentent la peinture de nos mœurs, pendant la tourmente. Elles visent à être aussi ressemblantes, aussi « documentaires, » que possible. Elles sont des transcriptions de la vie française, telle que nous l’avons sous les yeux. La pièce de M. François Porché est non plus, une transcription, mais une transposition des dures réalités que nous vivons : c’en est la nouveauté. L’auteur s’élève au-dessus des faits eux-mêmes pour en donner une image qui les reflète en les généralisant. En cela il fait œuvre de poète, la fonction du poète étant de fixer les choses qui passent sous l’aspect de l’éternité.

Aux premiers temps de la guerre, nous avons été avides d’en connaître l’exacte physionomie, si nouvelle, si imprévue, si déconcertante ! Nous avons recueilli les impressions des combattans, collectionné les notes sur l’aspect du champ de bataille et sur l’aménagement des tranchées. Rien de tout cela n’a perdu de son poignant intérêt : c’est la vie et la mort des nôtres ; c’est le jeu terrible où se décide l’avenir de notre pays : nous en voudrions tout savoir. Mais cette vision directe ne nous suffit plus : elle a besoin d’être complétée par une autre. En effet, à mesure que la guerre durait, que le temps passait, amenant — déjà ! — le recul des années, un travail