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érudit et l’un de ceux qui montrent que la science, l’histoire et la philologie ne sont pas de récentes inventions allemandes, mais un beau souci de chez nous ; M. l’abbé Colin, qui n’était pas ridicule encore, et qu’on lisait, et qui lui adressait en hommage son Traité de l’âme immortelle ; M. Michel de Marolles, abbé de Villeloin, traducteur un peu infidèle, je l’avoue, mais un charmant bonhomme. Il n’y a pas, pour Saint-Amant, de répondant meilleur. M. Michel de Marolles, abbé de Villeloin, était un latiniste des plus rangés et qui travaillait tout le temps que ses migraines le voulaient bien. La promenade fut le seul divertissement que lui permît sa chétive santé ; mais, comme il se promenait peu, il mangeait peu. Il aimait aussi la conversation ; et comme il était d’un naturel facile, les opinions différentes de la sienne ne le chagrinaient pas. Mais il détestait l’impiété, le libertinage de l’esprit non moins que les mauvaises mœurs. Et il avait grand soin de la pudeur, qu’il a toujours fidèlement observée en ses propos et dans ses actes, au point de ne s’être jamais, dit-il, mis au bain. Vieux, il ne se repentait que de « plusieurs péchés » et priait Dieu de les lui pardonner. C’est lui : ce très parfait Michel de Marolles, qui a présenté Saint-Amant à Marie de Gonzague, reine de Pologne. Saint-Amant ne l’effarouche pas, lui plaît et lui est un ami. Ce fut, ce poète des Goinfres et de La crevaille, un homme d’excellente compagnie, en un temps où l’on n’avait pas renchéri sur les petites élégances très faciles, et peut-être où le bon goût ne s’était pas avisé de toute la délicatesse imaginable, mais aussi où le mauvais goût n’était pas vulgaire ni le pharisaïsme bien porté.

Un homme de très vive intelligence et qui avait médité son art avec beaucoup de zèle et d’attention. Aucun poète n’a été plus réfléchi, plus précisément sûr de ses projets et n’a mieux fait ce qu’il avait choisi de faire. Il y aurait une esthétique à trouver dans ses préfaces : une esthétique, ce n’est rien, si l’œuvre qu’elle a dirigée est médiocre ; l’œuvre, ici, n’est pas médiocre et naît d’une théorie juste ou ingénieuse. Non que Saint-Amant fût un doctrinaire. Il n’était point un savant non plus ; et le pédantisme n’est pas son travers. Il se moque de « ceux qui ne pensent point vivre, — s’ils n’ont le nez dans quelque livre. » Ses études, pendant que son père commandait une escadre des vaisseaux d’Elisabeth ou languissait dans les cachots de la Tour-Noire à Constantinople, avaient subi des tribulations ; et, au collège de La Marche, il ne fut pas un empereur. Il ne devint pas philosophe, ou humaniste seulement. « Il ne sait rien et n’a jamais étudié, » dit Tallemant. L’auteur de l’Escolle du