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« caterpillers[1] ; » enfin, sur des chemins moins bien tracés filent de légères automobiles Ford, hautes sur roues et qui ainsi échappent à l’enlizement dans les sables. Auprès d’elles marchent pesamment les longs convois de chameaux qui se suivent par dizaines de milliers. Le service des renseignemens est assuré par des contingens de motocyclistes d’une endurance extraordinaire. Moitié courant, moitié juchés sur leur trépidante machine, à peine leur silhouette se dessine-t-elle au sommet d’une dune que déjà elle a disparu.

Grâce à cette triple organisation de la côte, des lignes ferrées et des routes, le corps expéditionnaire reçoit ses renforts. Tout lui arrive par El Kantara, sur le canal de Suez. Ceux qui connurent avant 1914 cette paisible bourgade seraient étonnés d’y voir, aujourd’hui, un port puissamment outillé, des quais immenses où halettent sans arrêt les grues à vapeur et d’où partent, comme les innombrables bras d’une pieuvre, tous les convois pour l’avant ; des bacs et des ponts démontables y assurent le passage d’Egypte en Asie. Enfin, les ingénieurs ont réglé la question de l’eau. Une formidable canalisation, qui mesure des centaines de kilomètres, déverse jusqu’aux lisières de Gaza les flots filtrés du Nil. Les chevaux subissent un entraînement progressif contre la soif. Par un rationnement graduel on les accoutume à se contenter de peu. C’est le « noviciat » de la soif. Quant aux méharis, on leur enseigne patiemment à ne plus crier, condition indispensable à certaines surprises, et cela les différencie des chameaux de transport.

Au cours de septembre 1917, le général Allenby et son état-major préparent un nouveau plan d’attaque. L’armée britannique, que viennent appuyer un détachement français sous les ordres du colonel de Piépape et un petit corps italien confié au major Agostino, a sur la IVe armée ottomane une supériorité numérique écrasante. En plus des effectifs mentionnés déjà, elle a reçu plusieurs divisions de renfort et l’appui d’une importante artillerie lourde et de nombreux avions.

Cependant, les Turcs eux aussi ont été renforcés. Kress von Kressenstein, en Idumée, commande, au 1er octobre 1917, 68 bataillons et 20 escadrons armés de 312 pièces d’artillerie et 526 mitrailleuses : ce dernier chiffre est exceptionnellement

  1. Tracteurs à chenille, faisant une lieue ù l’heure et entraînant derrière eux 3 voitures de 5 tonnes chacune. C’est à eux qu’on emprunta le principe des tanks.