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Surpris par l’agression ottomane, les Anglais se bornent à résister. L’attaque du Canal échoua, en février 1915, mais elle démontrait en tout cas la possibilité pour une armée moderne de franchir l’infranchissable Sinaï. Une grave menace demeurait ainsi suspendue sur Suez, et cette situation se prolongea pendant dix-huit mois, tandis que lentement le corps expéditionnaire britannique se renforçait, sous les ordres de Sir John Maxwell, — celui-là même qui dut, en 1916, réprimer les troubles d’Irlande.

À la fin de 1915, des bruits inquiétans commencèrent à courir. L’expédition des Dardanelles venait d’échouer, libérant les Turcs qui, aiguillonnés par Berlin, préparaient contre Suez une nouvelle et puissante attaque. L’opinion publique s’émut en Angleterre et un homme de premier plan, Sir Archibald Murray, fut placé au commandement suprême. Cet officier avait fait jusqu’alors toute la campagne de France comme chef de l’état-major général. Depuis août 1914, il supportait le poids de cette écrasante charge, à laquelle sa carrière l’avait tout spécialement préparé : à plusieurs reprises, Sir John French a vanté « l’aide inappréciable » que son subordonné lui avait apportée. Le 22 janvier 1916, Sir Archibald Murray était chargé de diriger les opérations militaires en Orient.

À cette époque, l’autorité britannique s’exerçait en Égypte d’une manière étrangement compliquée. Sir John Maxwell y commandait les forces impériales, et sir Reginald Wingate, l’armée indigène d’Égypte ; d’autres effectifs dépendaient du chef des bases de la Méditerranée et du Levant. Une telle organisation tripartite était inextricable et ne pouvait durer. Aussi, dès le 19 mars 1916, répartit-on les forces d’une manière nouvelle : il n’y eut plus que deux autorités en présence, celle de Sir Reginald Wingate, qui commanda les troupes indigènes, et celle de Sir Archibald Murray, qui disposa de tous les autres effectifs. Ceux-ci furent divisés en deux groupes : la Western Frontier Force du général Wallace (elle devait combattre les Senoussis et son histoire sort de notre sujet) ; la Eastern Frontier Force, beaucoup plus importante, engagée contre les Turcs et commandée, d’abord, par Sir Charles Dobell[1], puis par Sir Philippe Chetwode.

  1. Inspecteur général des forces nigériennes, au début de la guerre, il a commandé en chef les colonnes franco-anglaises qui, en janvier 1916, ont achevé la conquête du Cameroun. (Voyez la Revue du 15 novembre 1915.)