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Le Duc d’Orléans fut invité en effet à prendre place dans la Chambre des Pairs. À la séance royale il prêta serment. Ce serment était ainsi conçu : « Je jure d’être fidèle au Roi, d’obéir à la Charte constitutionnelle et aux lois du Royaume et de me conduire en tout comme il appartient à un bon et loyal prince du sang, pair de France. »

« Orléans, dit le Journal de Villèle, prêta serment avec emphase. » Pouvait-il le prêter avec indifférence ?

« Sur le soupçon de quelques menées, continue Villèle, il reçut un nouvel ordre d’exil, et repartit pour Londres en octobre. » Il n’y eut point de menées ; il n’y eut point d’exil ; mais il y eut un incident parlementaire. Le Duc d’Orléans avait pris au sérieux ses devoirs de membre de la Chambre des Pairs. Cette assemblée, le 13 octobre, examinait le projet d’adresse au Roi : on proposait de l’inviter à châtier les délits politiques. MM. de Barbé-Marbois, de Tracy, le duc de Broglie combattirent la proposition. Le Duc d’Orléans parla dans le même sens. « Nous sommes juges éventuels, disait-il. Nous ne devons donc point prendre parti. Laissons le Roi agir comme il lui plaira, d’après la Constitution… » Il demandait la suppression de tout le paragraphe relatif aux crimes politiques. « Appuyé ! » s’écrièrent beaucoup de voix, et non des moindres : on remarqua celle du duc de Richelieu.

Cet acte d’indépendance était bien modeste auprès de ceux auxquels se livraient alors, dans la Chambre des Lords d’Angleterre, le Prince de Galles, le duc de Sussex, le duc de Kent. Mais le Roi en prit de l’ombrage, et révoqua l’autorisation générale donnée aux princes de sa maison d’assister aux séances de la Chambre des Pairs. Il fallut, pour chaque séance, une demande et une permission spéciales.

Revenu en Angleterre, le Duc d’Orléans raconte cette affaire à M. de Chabot :


Twickenham, ce 24 octobre 1915.

« Me voilà encore une fois de retour in old England et charmé de m’y retrouver, car les prospects de l’autre côté de l’eau ne sont pas rians, tant s’en faut. Malheureuse France ! que de maux fondent sur elle par la fureur de quelques-uns et l’aveuglement et la mauvaise foi de tous ! Ceci mènera à des résultats épouvantables, mais que personne ne peut calculer. Vous aurez