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de France ? L’empereur d’Autriche accordait la main de sa fille à Napoléon. Et dans le petit royaume laissé aux Bourbons de Naples, l’avenir paraissait fort incertain. Voici une lettre[1] écrite par Louis-Philippe à son ami le vicomte de Chabot :


Palerme, 15 janvier 1812.

« Notre position ici est précaire, nous y sommes entourés d’orages moraux dont on perd l’habitude dans l’île heureuse où est Twickenham (Twickenham dont j’aime toujours le souvenir, quelque peu brillante qu’y fût ma position) et dont il est impossible de prévoir ou de calculer les résultats. Aussi je n’y ai pas encore fait d’établissement permanent, Kirchner est toujours à Malte avec mes effets ; j’ignore toujours ce que le sort me réserve ; et dans tous les sens, soit en bien, soit en mal, mon avenir me semble toujours plus incertain que jamais. Ce n’est pas dans une position comme la mienne ici qu’on peut offrir à personne de quitter ses goûts, ses amis et le pays auquel il est habitué pour venir s’embarquer en sea of troubles. Nous, y sommes aujourd’hui dans une crise terrible. »

« Una Constituzione ! » criait le peuple de Palerme, sous les fenêtres de Ferdinand ; et le Roi, chassé de Naples, était menacé de perdre ce dernier asile. On voulait une Constitution : l’exemple des Anglais, maîtres de ce débris de royaume, avait certainement répandu l’amour du Parlement parmi les habitans : comment, à eux seuls, les Siciliens de 1812 s’en fussent-ils avisés ? — Les Anglais excitaient la colère populaire contre la reine Caroline, contre ses anciens amis, Acton, lady Hamilton, agens anglais cependant ; mais la politique britannique avait changé depuis la mort de Nelson. Caroline dut s’en aller à Vienne où elle mourut deux ans plus tard. La Sicile perdit une Reine, et gagna une éphémère Constitution. Ferdinand céda, contraint par l’Angleterre, plus que par ses sujets.

Louis-Philippe ne paraît pas s’être intéressé à la Constitution sicilienne. Il n’en est pas question dans ses lettres ou ses mémoires ; et il est permis de penser qu’il ne la prit pas très au sérieux.

  1. Archives du château de La Grange.