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pour sa jeune parente, l’attrait d’un très sincère et très profond amour. Cependant, Nettement le taxe d’avarice parce que la princesse avait une dot ; et Michaud l’accuse d’ambition : il aurait prétendu à la couronne d’Espagne, et, encore fiancé, voulu ravir cette couronne à son futur beau-frère.

Voici l’histoire. Une junte venait de se former à Cadix et appelait le peuple à l’insurrection. Elle était présidée par l’infant archevêque de Tolède. Après la querelle survenue entre. Charles IV et le prince des Asturies, Napoléon avait enlevé le père et le fils et les détenait à Valençay. Il faut se rappeler, d’autre part, la proche parenté entre les couronnes d’Espagne et de Naples, réunies au temps de Philippe V ; séparées par Charles III, mais en famille. Charles IV d’Espagne est le frère de Ferdinand Ier de Naples ; et ce dernier avait conçu le projet d’offrir aux Espagnols son second fils Léopold. L’aventure est dangereuse. Léopold ne sait rien de la politique ni de la guerre. Le Duc d’Orléans qui, à trente-cinq ans, a beaucoup vu et appris, offre de l’accompagner. Afin de le supplanter, s’écrient à l’envi de malveillans historiens. Pourquoi ? Ne saurait-on admettre qu’un homme amoureux, désirant plaire à sa fiancée, et se faire estimer de ses parens, offre loyalement ses services ?… Ainsi l’a compris Marie-Caroline, plus experte que Nettement et Michaud. Elle écrit à Damas : « Il vit en fils de famille chez nous, mais brûle de trouver une occasion, et les acceptera toutes pour se distinguer et servir son légitime maître. Dieu veuille lui en donner occasion ! »

Tels étaient ses sentimens. L’accuser d’avoir voulu trahir le fils du Roi et de la Reine de Naples, au moment même où il aspirait à la main de leur fille, est révoltant et invraisemblable[1].

Il part donc, sur une frégate anglaise, avec Léopold, candidat à la régence d’Espagne. Les deux Princes arrivent à Gibraltar ; et là, le Gouverneur anglais, Sir Hew Dalrymple, leur défend de débarquer. Pour comble d’embarras, le capitaine de leur frégate refuse de les ramener en Sicile, ayant reçu, en quittant Palerme, cet ordre étrange de son amiral Sir Alexander Bail. Cette expulsion des deux Princes est approuvée en haut lieu. Lord Castelreagh écrit le 4 novembre 1808, de Downing

  1. Deux ou trois lettres de Lord Castelreagh, Sir Al. Ball, etc. sont données par Nettement à l’appui de l’accusation. Elles ne prouvent absolument rien.