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davantage. Heureusement, pendant de longues années de ce règne, Naples fut très convenablement administrée par le Parmesan Tanucci, choisi par Charles III, quand il fut appelé en Espagne et laissa Naples à son second fils âgé de neuf ans.

Un soir, à Palerme, la future Duchesse de Berry, âgée de dix ans, est dans le salon de sa grand’mère. Le Roi entre et d’un air soucieux qui lui était peu habituel annonce qu’un émigré de grande maison demande audience : c’est le Duc d’Orléans. « Le Duc d’Orléans ! » s’écrie la Reine d’une voix émue ; et la jeune princesse raconta plus tard qu’élevée dans la vénération de sa grande tante Marie-Antoinette et l’horreur des crimes révolutionnaires, ce nom l’avait épouvantée.

Cependant le prince paraît. Les portraits de sa jeunesse, surtout une grande miniature qui le représente en pied, professeur alors à l’école de Reichenau, nous le montrent fort beau. Il est connu par ses talens, par sa bravoure à la guerre, et par ses malheurs. Il séduit le Roi, — un très brave homme, — et ne déplaît nullement à la terrible Marie-Caroline. Celle-ci écrit au comte Roger de Damas : « C’est un homme qui gagne à être connu ; il parle de ses erreurs en homme bien converti ; il est en parfaite union avec ses souverains légitimes, et a infiniment d’esprit, cœur, courage… »

Il aimait en effet à raconter et parlait fort bien. Quand on se le représente dans les soirées du Palazzo Reale, rappelant tout ce qu’il a vu et souffert, on pense aux vers de Virgile :

Quis novus hic nostris successit sedibus hospes ?
Quem sese ore ferens ! Quam forti pectore et armis !
Credo equidem, nec vana fides, genus esse deorum
…..Heu ! quibus ille
Jactatus fatis ! Quæ bella exhausta canebat !

Ces paroles immortelles reviennent en la mémoire, tant la scène est semblable. Et la jeune princesse Marie-Amélie, seconde fille de Ferdinand, dut faire à sa sœur Christine les mêmes confidences que Didon à Anne sa sœur. Mais elle fut mieux traitée par le sort. Des fiançailles furent bientôt décidées et un mariage conclu après quelques mois.

Ici éclate le parti pris malveillant de certains écrivains contre Louis-Philippe. Rien n’empêche de croire que le Duc d’Orléans, retrouvant les siens après tant d’épreuves, ait senti,