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s’ajouteraient aux 700 000 qui chaque année viennent au monde. Et, la mort continuât-elle à nous prendre chaque année 700 000 Français, il nous resterait assez de surcroît pour égaler les peuples prolifiques.

Mais la rigueur des châtimens mît-elle fin aux pratiques abortives, comment obtenir des époux la fécondité de leur union ? Par quelle persuasion un gouvernement fondé sur la volonté des individus substituerait-il à leur volonté la sienne ? Fait pour laisser chacun juge et maitre de sa propre vie, par quelle autorité obligerait-il les adversaires de la famille à multiplier leur famille ? Etabli par eux comme l’intendant de leur bonheur personnel, par quel illogisme obtiendrait-il d’eux le sacrifice de leur bonheur à celui de la patrie ? Sa doctrine ruine son autorité. Toutes ses disciplines sont minées par son idolâtrie du libre arbitre. Et c’est pourquoi cette campagne moralisatrice, évanouie en projets, n’a été elle-même qu’un avortement de plus.

Puisque la résurrection de la race devait être obtenue à tout prix, ce prix ne pouvait être que l’avantage présent de l’individu. L’Etat n’avait à faire appel qu’aux sentimens formés par lui ; il lui fallait, pour accroître, les familles, rendre l’accroissement profitable à leurs chefs, offrir des choses qu’il eût sous la main contre celles qu’il désirait, pour obtenir, acheter. Dès qu’il s’agissait d’un marché, il devait s’agir d’argent. L’argent est le commun dénominateur des cupidités terrestres. Il n’est guère de jouissances qu’il n’acquière ; le posséder est avoir le droit de choisir entre elles, de se les offrir à sa faim, et d’en changer à son gré. Sous un régime où l’argent est devenu le maitre d’à peu près tout, a abaissé l’intelligence qui atterrit au ras des désirs dominés autrefois par elle, et assure non seulement la richesse, mais l’autorité, mais les honneurs, l’idée devait venir, puisque la famille était nécessaire, de la payer argent comptant. Dès le début de la guerre, l’enfant avait valu une allocation à la mère dont le mari devenait soldat. On songea à étendre la méthode de rémunérer la famille, soit par un fonds permanent et confié à l’Etat, soit par des bourses, soit par des pensions, soit par des primes payées ou à la naissance de chaque enfant, ou quand il aurait franchi ses mois les plus dangereux, ou quand il aurait atteint sa dix-huitième année, ou quand ils seraient déjà quatre au foyer. Les projets de loi ont afflué,