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des prolétaires se refusent à admettre qu’un accord si libérateur soit irréalisable et l’attendent pour se réconcilier avec la société et avec la famille.

Les paysans ont-ils obtenu davantage de l’Etat ? Lui aussi, dans ces dernières années, parfois inquiet du vide qu’il voyait se creuser dans le bloc le plus massif de notre race, a esquissé le geste d’encourager par quelques mesures de détail la fécondité. En imposant chaque propriété d’après ce qu’elle rapporte et sans déduction des dépenses qu’elle paie, notre fisc donne au célibataire un privilège aux dépens de la famille. On a entrevu la justice de soustraire à l’impôt le revenu employé par les contribuables à leur entretien : et cela, parce que cet entretien coûte au père de famille des dépenses épargnées au célibataire, parce que le père de famille en élevant des travailleurs et des soldats paie un service public dont le célibataire se dispense, parce que déjà sur le père les impôts indirects pèsent d’un poids multiplié par le nombre des enfans. Ce dégrèvement qui est le droit commun hors de France a été introduit, dans nos lois, mais comme une exception et combien restreinte[1] ! Même dans des lois récentes et déjà confiscatrices de la propriété individuelle par l’impôt, on a essayé de rendre plus inébranlable la possession du domaine familial, plus facile l’acquisition de demeures à bon marché[2]. On a ouvert à la famille une propriété qui ne puisse être ni saisie, ni hypothéquée, ni vendue, mais la valeur de cet asile inviolable est bornée, demeure et terre, à 8 000 francs[3]. La disposition fondamentale de notre régime successoral, le partage forcé et immédiat de chaque bien entre tous les héritiers, soit par lotissement, soit par vente, a reçu elle-même un démenti. Une loi autorise le conjoint ou les enfans du défunt à convenir qu’un seul reprendra le domaine, quitte à assurer aux autres ayans droit leur part en argent ; la désignation du fils qui demeurera l’unique détenteur du domaine peut être faite par

  1. La loi de finances du 17 juillet 18S9 dispensait de la cote personnelle mobilière les parens de 7 enfans vivans. Mais la loi du 8 août 1890 restreignait aussitôt cette faveur aux parens dont la contribution ne dépasse pas 10 francs et dont les 7 enfans sont mineurs. La loi de finances du 16 juillet 1904 autorise les villes de 5 000 habitans à dégrever les pères de famille de plus d’un enfant, mais les complications de la procédure rendent à peu près vain le don.
  2. Lois des 30 novembre 1891, 12 avril 1906 et 10 avril 1908.
  3. Loi du 12 juillet 1909.