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paient le surplus du loyer aux familles qui abandonnent leur ancien logis pour un plus vaste. De l’intuition ingénieuse que l’ouvrier est un déraciné et qu’il faut le rapprocher de la terre, sont nés les jardins ouvriers. Ils semblèrent d’abord un agrandissement du pot minuscule où Mimi Pinson soigne sur sa fenêtre sans soleil une fleur. L’ardeur avec laquelle ils furent disputés et mis en état, pour le plus grand profit et la plus grande moralité des cultivateurs urbains, donna raison à la tentative de mettre en présence de la mère-nourrice ces émigrés des champs. Les séjours de repos à la campagne ou à la mer pour les enfans ou les adolescens des villes étaient connus : les dames de Villepinte, les admirables ennemies de la tuberculose, avaient les premières constaté l’influence de l’air et du soleil sur les ouvrières que les jours d’atelier et les nuits de mansardes ont anémiées, et c’est sur l’exemple de ces initiatrices que ce joli remède a fait une fortune rapide. Dans tous les pays de France, sous les noms les plus divers, par les générosités les plus multiples, l’hospitalité offerte à la jeunesse ouvrière des villes réduit le nombre des « candidats à la tuberculose, » et s’annonce comme le début d’une bonne habitude. Elle-même, il faut l’espérer, est le commencement d’une cure meilleure. Enlever quelques semaines l’organisme affaibli au milieu qui le débilite est suspendre le développement du mal, mais non en détruire la cause, et un mois d’air rural forme un insuffisant antidote à onze mois d’empoisonnement urbain. Ce qu’il faudrait aux ouvriers, c’est la continuité de l’existence saine hors des villes, l’émigration de l’industrie vers les campagnes. L’art d’utiliser la réserve inépuisable que les hautes montagnes amassent avec les glaciers et de transporter au loin cette force rendra bientôt l’homme plus maître de fixer où il voudra ses places de travail. Si le volume et le poids de certains produits exigent un gigantesque outillage, et si l’économie de fabrication conseille parfois le groupement des travailleurs par masses compactes en immenses usines, beaucoup d’industries plus simples emploient peu de mains, peu de puissance motrice, et la facile division de l’énergie électrique permet de reconstituer, au lieu des usines où père, mère, enfans entrent, demeurent et sortent séparés, l’atelier familial où le père, la mère et les enfans vivront unis, même dans le labeur.

Ce n’est pas assez que le droit de l’ouvrier à la vie soit