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trouver dans la passe Nord qui n’a pas été suffisamment draguée. A la nuit, vers neuf heures, les lumières de Corfou apparaissent. Voici la rade Une chaloupe conduit M. Jonnarl et ses trois compagnons à bord de la Provence, le magnifique cuirassé où se trouve l’amiral Gauchet qui, par radiotélégramme, les a invités à diner.

L’amiral reçoit M. Jonnart à la coupée. Il lui présente le chef d’état-major, le commandant du cuirassé. Le diner a lieu dans le grand salon. Ainsi que le note M. Robert David dans le « journal » très vivant, plein de détails savoureux, qu’il a bien voulu me communiquer et qui m’a été d’un grand secours, il y fait terriblement chaud : aucun hublot n’est ouvert et il n’y a pas de ventilateur ; les marins sont en toile blanche, tandis que leurs hôtes sont en costume de drap, d’autant qu’étant partis à l’improviste, ils n’ont guère eu le loisir de préparer une garde-robe variée. « La conversation s’en ressent, remarque M. Robert David. On fond en silence. »

Après le dîner, M. Jonnart entre en conférence avec l’amiral. Au cours de son voyage, son opinion sur la nécessité d’occuper l’isthme de Corinthe, de manière à couper le Roi de ses troupes du Péloponèse, n’a fait que se confirmer. Dans l’opération qu’il va entreprendre, il est essentiel que la coopération de la marine et des troupes de terre s’effectue d’une manière parfaite, sans retard et sans flottement. Le moindre retard pourrait tout compromettre. Toutes les dispositions sont dès lors arrêtées pour que la marine protège le débarquement des troupes et assure par sa puissante artillerie de bord le flanquement parfait de leurs positions. On se met en même temps d’accord sur la démonstration navale, qui, pour appuyer l’ultimatum, pour protéger au besoin un débarquement, va être faite aussitôt en vue d’Athènes.

Ces grosses questions réglées, à minuit, par un beau clair de lune, la mission gagne la terre, accompagnée de M. Boppe, ministre de France auprès du gouvernement serbe, qui avait été invité au diner, — et qui transmet à M. Jonnart les inquiétudes des Serbes au sujet du rétrécissement éventuel du front de Salonique. Des chambres ont été retenues à l’hôtel Saint-Georges. Le lendemain matin, M. Boppe conduit la mission, en automobile, par une superbe roule, à travers les bois d’oliviers, jusqu’à la petite terrasse qui domine l’îlot d’Ulysse : c’est un