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n’a pas voulu assister à la séance où son sort et celui des siens va être débattu ; et pour un motif quelconque, il a voulu passer à la Convention le matin. Le fidèle serviteur est occupé à demander accès au cabinet du Président quand une voix bien connue l’appelle : « Hé ! que faites-vous ici, Gardanne ? Mon fils est-il donc à Paris ? » Le voici obligé de tout dire. Il est envoyé de Tournai. Il a une lettre à remettre au prince ; mais d’abord une autre lettre à faire parvenir au Président. « Donnez, donnez, je me charge de cela. » Et le message ne fut pas accompli !

Montpensier écrit à Chartres que leur père parla le soir de l’incident, sans humeur : « il n’en avait jamais ! »

Mme de Genlis raconte que le Duc de Chartres, « tombé dans le plus grand découragement après la mort du Roi, » se serait décidé à écrire à la Convention, la priant d’approuver son projet de quitter la France. Sur ce projet il aurait consulté son père ; et le Duc d’Orléans aurait répondu : « Cette idée n’a pas de sens : n’y plus penser. »

Mme de Genlis ne se trompe pas sur les sentimens des deux princes. Mais elle commet une erreur de date : aucun doute n’est possible sur celle du 18 décembre 1792. C’est avant le procès de Louis XVI que Louis-Philippe, regardant le décret de bannissement comme un coup du ciel, voulut partir le premier, afin d’entraîner son père, et de l’arracher à ce tribunal fatal où ce malheureux allait siéger et voter ! Le fils clairvoyant et courageux tentait un effort désespéré pour protéger le père contre sa faiblesse trop connue.

Mais aucun effort ne pouvait l’emporter contre la volonté entêtée de rester à Paris. Voici un brouillon de discours écrit un peu plus tard, après la mort de Louis XVI, par le Duc d’Orléans et destiné à la Convention[1] :

« À la fin d’octobre 1789, La Fayette, sur les sentimens duquel j’étais abusé, ainsi que presque tous les Français, m’engagea à m’éloigner pour quelque temps de France. Aujourd’hui, mêmes discours, mêmes moyens. Je retrouve toutes les mêmes choses, excepté la plate et froide figure de La Fayette Moi et mes enfans, nous nous soumettrons toujours sans murmurer. Nous ne serons jamais que de simples citoyens français, ou bien rien. »

  1. Fonds Beugnot.