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est pressé de reprendre son métier de soldat. Mais, toujours mortellement inquiet, il prie son frère Montpensier d’aller le remplacer à Paris. Il fait plus, il pense avoir trouvé un moyen d’arracher son malheureux père de la Convention ; et il l’essaie aussitôt.

Au moment où va commencer le procès du Roi, un décret est proposé pour exiler les membres de sa famille. C’est peut-être le salut. Il sait quelle peine il aurait eue à décider son père à partir : l’Angleterre, — aimée du duc d’Orléans, — lui est fermée. La force seule pourra le conduire aux États-Unis d’Amérique, dernier asile qui lui soit ouvert.

Le décret n’est pas voté encore ; mais Louis-Philippe le croit voté, et veut se sacrifier lui-même sans retard pour brusquer les choses, et sauver son père. Il écrira au Président de la Convention qu’obéissant à ses ordres sans délai, il va quitter l’armée, et entraîner les siens dans son exil. « Je regardais, a-t-il écrit, ce décret de bannissement comme un coup du ciel. »

Mais le ciel en décida autrement.

Malheureusement, les choses n’étaient pas aussi avancées que Louis-Philippe le pensait. Le décret n’était pas voté. Le vote était demandé seulement par les Girondins.

« Nous sortons, disait Buzot[1], d’un long esclavage… Vous avez immolé Louis XVI à la sûreté publique. Vous devez à cette sûreté le bannissement de sa famille. La liberté… veut éteindre tout espoir de royauté, effacer toute image qui pourrait en rappeler le souvenir… Si Philippe aime la liberté, s’il l’a servie, qu’il achève son sacrifice et nous délivre de la présence d’un descendant des Capets.

« Je demande que Louis-Philippe et ses fils aillent porter ailleurs les malheurs d’être nés près du trône. »

À la Montagne, tant d’empressement provoquait des soupçons. Saint-Just répond, et entre les deux orateurs se livre un assaut de la plus affreuse déclamation.

… « Brutus chassa les Tarquins. Mais ici je ne sais pas si on ne chasse pas les Bourbons pour faire place à d’autres Tarquins… Rome avait des Brutus : je n’en vois pas ici… J’attends Catilina avec son armée. J’abhorre tous les Bourbons.

  1. Moniteur du 18 décembre 1792.