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à tout prix nous ravir : c’est ce temps-là qu’à tout prix il nous faut gagner. Il n’y a d’ailleurs pas d’illusion à se faire. Si le besoin de paix pour les Empires du Centre est constant, urgent, croissant, leurs conditions, leurs prétentions ou leurs ambitions sont mobiles, comme leur « carte de guerre. » Le comte Czernin, lorsqu’il lança, avec la complicité de M. Erzberger, ses dernières propositions, espèce de rideau derrière lequel s’assemblaient, dans les Alpes carniques, les hordes de l’invasion, et lorsqu’il déclara que, si ces propositions n’étaient pas acceptées, l’Allemagne et l’Autriche exigeraient davantage, se trouvait dire plus vrai qu’alors il ne le croyait lui-même, car personne, ni lui, ni M. Michaëlis, ni Borœvic, ni l’archiduc Eugène, ni Ludendorff, ni Hindenburg, ni l’empereur Charles, ni l’empereur Guillaume, n’attendait de l’agression préméditée, à beaucoup près, tout ce qu’elle a donné. Mais, précisément parce qu’elle a trop donné, et parce que la coalition germanique, profitant de la circonstance favorable, serait prête à saisir au vol ce prétexte de « causer, » qu’il soit entendu, quant à nous, que, dans cette même circonstance, qui se retourne contre l’Entente, nous ne devons voir qu’une raison de ne pas écouter et de ne pas répondre.

Pour rester plus étroitement dans le domaine militaire, en ce domaine surtout les feintes et les offensives s’entremêlent. L’offensive, dessinée des îles du golfe de Riga et des rivages de l’Esthonie contre Pétrograd,les démonstrations navales au large de la Finlande, n’étaient qu’une feinte. La feinte aux sources de l’Isonzo est devenue une offensive dont l’Allemagne a été habile et ardente à exploiter les chances, mais qui, brisée demain, peut redevenir une feinte par rapport à ce qui serait entrepris dans les Flandres, en Champagne, sous Verdun, ou, à l’autre bout de la ligne, contre Salonique ou contre Bagdad. Offensives ou feintes, ce qu’il en faut retenir, c’est la pensée unique, la volonté unique, la conception unique, la direction unique. Si les malheurs de la deuxième armée italienne, après tant d'autres expériences, nous ont vraiment fait découvrir la vertu de l’unité, et fait désirer non seulement de la proclamer, mais de la réaliser, la leçon aura été dure, elle n’aura pas été vaine.

Nous espérons qu’elle ne l’a pas été. M. Lloyd George et M. Painlevé ont rapporté de Rapallo un arrangement à trois, Angleterre, France, Italie, qui, « en vue d’une meilleure coordination de l’action militaire sur le front occidental, » institue un Conseil de guerre, composé du premier ministre et d’autres membres du gouvernement de chacune des grandes Puissances dont les armées combattent sur le