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Sud-Est, est bien encore celui vers lequel converge le réseau fluvial. Les rivières principales ont tracé indifféremment leur lit à travers les formations diverses, dures ou tendres, qu’elles rencontraient : elles sont restées fidèles à la pente géologique… » Hormis la Loire, par exemple. Celle-ci, « l’héritière des grands courans que le massif central poussa jadis vers le Nord, » s’est détournée de la voie que l’inclinaison des couches semblait lui indiquer : cela, par suite d’« accidens récens. » Pareillement, le Rhin. Vers le commencement de la période diluviale, ses eaux s’écoulaient dans la direction de l’Ouest. « Une traînée de cailloux et de graviers alpins, qu’on suit au Sud d’Altkirch et de Dannemarie, dénonce l’ancienne liaison qui se forma, aux débuts de la période actuelle, avec la vallée du Doubs. La dépression formée entre la Forêt-Noire et les Vosges s’ouvrit alors pour la première fois aux eaux sauvages des Alpes. Cependant, il fallut encore attendre, pour que la vallée eût son fleuve, que l’enfoncement progressif de son niveau eût détourné vers le Nord l’irruption des eaux rhénanes. Le Rhin prit alors sa direction définitive ; il sillonna dans le sens de la longueur cette fosse où il n’avait pénétré que tard et par effraction… » En somme, le Rhin « est un hôte récent dans la vallée qui porte son nom. »

Ces « récentes » aventures de la terre et de l’eau, qui ont ouvert entre le Boulonnais et le Hampshire un détroit, qui ont dirigé sur l’Ouest un fleuve et sur le Nord un autre fleuve, nous reportent à un passé formidable et, en quelque sorte, amènent aussi vers nous ce formidable passé. Récentes aventures, si de nos jours les marées continuent d’élargir la brèche entre le Boulonnais et le Hampshire. Récentes aventures, si les changemens physiques de la terre continuent. Dans un remarquable essai, La rivière Vincent-Pinzon, « étude sur la cartographie de la Guyane, » M. Vidal de la Blache nous met sous les yeux l’un de ces changemens. Un litige a existé jusqu’à ces dernières années, et depuis le traité d’Utrecht, entre la France et le Portugal, plus tard le Brésil, au sujet de la partie méridionale de la Guyane. Le traité fixait une limite des États à la rivière Vincent-Pinzon. Cherchez la rivière Vincent-Pinzon. Pour cela, consultez les cartes anciennes : elles ne concordent pas et concordent si peu qu’en 1900 le Conseil fédéral suisse, appelé à résoudre ce différend diplomatique, a identifié la rivière Vincent-Pinzon avec l’Oyapok du cap d’Orange, tandis que certains géographes et, par exemple, M. Vidal de la Blache, la veulent identifier avec l’Araguary. Les argumens des géographes semblent décisifs. Mais, ce qui augmente la difficulté,