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l’Amirauté, sir Eric Geddes, déclarer que si la flotte anglaise n’avait pas pénétré dans la Baltique, pour soutenir la Russie dans ses tragiques épreuves, c’était parce qu’elle « aurait dû franchir d’immenses champs de mines. » Il n’était plus question de la neutralité danoise,

Le fait que l’on ne conteste plus la facilité d’abord de la côte allemande, dans la Baltique, simplifie et abrège ma tâche. Je n’ai plus qu’à montrer la vanité, en ce qu’elles ont d’excessif, des craintes que l’on exprime au sujet du passage des détroits par une grande armée navale.


Puis-je faire observer d’abord, qu’il est singulièrement malavisé de proclamer que la côte allemande est inabordable, que l’on se gardera d’y risquer une seule unité de combat ; que d’ailleurs les débarquemens sont de pauvres opérations destinées fatalement à de retentissans échecs ; qu’on n’attaquera jamais tel point parce qu’il y a de gros canons et qu’on ne passera jamais tel détroit parce qu’il y a des mines ?

A supposer que tout cela fût justifié, il faudrait éviter de le dire et, tout au contraire, insinuer qu’on a les intentions les plus hostiles à l’égard du littoral de l’ennemi. Quelque créance que ce dernier donnât réellement aux bruits que l’on ferait courir à ce sujet, il ne pourrait s’empêcher de prendre certaines précautions et d’entretenir sur ses cotes des effectifs relativement sérieux[1]. Il serait, du reste, bien facile de le tenir en haleine par des démonstrations et des feintes. Ce sont là des moyens qui, pour avoir été employés de tout temps, — et très fréquemment par la Grande-Bretagne pendant nos grandes guerres de 1193 à 1815, — n’en conservent pas moins leur efficacité. Car enfin, on ne sait jamais… Le belligérant le mieux renseigné hésite en pareil cas, à passer outre à la menace.

En tout cas, on conviendra qu’il serait sage de ne pas avertir l’ennemi qu’il peut être bien tranquille de tel ou tel côté. Il est surprenant qu’il faille donner cet avertissement.

Ceci dit, remarquons encore que lorsque, pour justifier une

  1. Observons que l’intérêt d’obtenir ce résultat grandit en ce moment où l’Allemagne, déjà relativement épuisée, fournit un effort encore considérable et où il lui serait fort difficile de créer de nouvelles armées. Je rappelle à ce propos qu’en 1870, la Prusse entretint une armée dite de la défense des côtes jusqu’au moment où elle acquit la certitude que nous avions renoncé à toute descente.