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précieux et que ces avantages seraient, du coup, transférés aux flottilles alliées contre ce même camp retranché, il faut signaler comme un point des plus intéressans la faculté de créer dans l’ile une grande station aéronautique. Cette station ne tarderait pas à maîtriser celle de Tondern, où se trouvent, on le sait, de grands hangars de dirigeables[1]. On y aurait une base excellente pour organiser des « raids » de bombardement et de destruction visant le canal de Kiel, ses ouvrages d’art, ponts métalliques très élevés, écluses, bassins, ponts tournans, passages souterrains ou tunnels destinés au rapide transport des troupes d’une rive à l’autre ; ses berges qui, sur nombre de points, sont fort peu solides, étant faites de matériaux rapportés, dont les remblais s’élèvent sur des fonds de vases et de sables peu consistans ; les établissemens de Brunsbüttel, de Rendsburg, de Holtenau ; enfin les navires qui s’engageraient dans cette voie navigable, dans un sens ou dans l’autre. De Sylt à Rendsburg, qui est à peu près au milieu du canal, il n’y a que 105 kilomètres, — une heure à peine de trajet pour un bon aéroplane. Quant à Kiel même et à son arsenal d’Ellerbeck, la distance qui les sépare de Sylt n’excède pas 130 kilomètres. Hambourg reste à 180 kilomètres de l’île qui nous occupe, et Lübeck à 175 kilomètres. Le nœud de voies ferrées si important de Neumünster n’en est qu’à 140. Je n’ai pas besoin d’insister sur l’importance de ces constatations, en cas d’opérations combinées sur l’un ou sur l’autre revers de la péninsule cimbrique. Le canal de Kiel avec tout ce qui y touche, de près ou de loin, est l’organe essentiel de la défense des côtes allemandes.

Voilà pour les deux ailes du front maritime de la Deutsche bucht. Voyons-en maintenant le centre, le « fort, » le museau de la bête, dont l’estuaire de l’Elbe est bien la gueule puissante. Et ce fort, c’est Cüxhaven.

Une chose qui frappe tout d’abord l’œil le moins attentif, quand on regarde une carte de cette région, c’est que Cüxhaven est un saillant, circonstance toujours défavorable à la défense. Cette place est en effet à la pointe de la presqu’île formée par les deux embouchures, très voisines en somme, de la Weser et de l’Elbe. L’idée vient donc tout de suite que Cüxhaven peut,

  1. C’est de là que partent souvent les zeppelins qui opèrent sur l’Angleterre. Des hydravions anglais ont survolé Sylt et sont allés jeter des bombes sur Tondern dans l’hiver de 1915-1916.