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connexes que Dastre a réalisés à propos des fonctions de nutrition.

C’est lui qui, par l’administration concomitante de l’atropine et de la morphine, a rendu inoffensif l’emploi jadis si dangereux du chloroforme. Toute une nouvelle technique de l’anesthésie est sortie de son laboratoire.

Pour achever de donner une idée très sommaire de la variété de cet immense et fructueux labeur, je ne saurais passer sous silence les travaux de Dastre sur le lavage du sang : ils ont établi la possibilité d’introduire dans le réseau sanguin des quantités considérables d’eau salée et la tolérance surprenante de l’organisme pour cet apport liquide, tolérance dont la limite correspond à une excrétion urinaire immédiate de l’excès d’eau salée introduite. — Ce qu’il y a d’étrange dans ce phénomène, c’est que le liquide éliminé n’entraîne aucun élément essentiel du sang, ni des tissus, mais seulement des produits solubles indifférens, tels que l’urée. Il était donc permis de dire en toute rigueur qu’il y avait eu véritablement lavage du sang et des tissus.

Ces expériences curieuses ont suggéré à Dastre l’idée d’une thérapeutique rationnelle, qui pourra avoir assurément un grand avenir pour le traitement des empoisonnemens et des maladies infectieuses, et qui permettrait d’enlever du sang, par lavage à l’eau salée, tout poison soluble introduit artificiellement ou sécrété par les microbes.

La guerre avait détourné vers des problèmes de défense nationale l’activité de Dastre. Un grand nombre de travaux, qui ont permis de protéger efficacement nos soldats contre les gaz toxiques de l’ennemi, sont sortis de son laboratoire. Enfin, la question si grave du traitement des plaies de guerre ne pouvait manquer de solliciter son esprit : on lui doit sur ce sujet des directives précieuses, et dont la simplicité et l’évidence dont on ne s’était, hélas ! guère avisé avant lui, font penser à l’œuf de Colomb.

C’est l’image radieuse et saignante de la patrie qui, sur son lit de mort, obséda jusqu’à la fin sa pensée. Peu avant de fermer les yeux sur ce monde dont ils avaient percé quelques-uns des étranges mystères, une seule phrase échappée de ses lèvres sembla une révolte contre la mort doucement attendue : « Un Français comme moi ne peut pas mourir sans voir la Victoire ! » — Mot doublement touchant parce qu’il jaillit d’une noble poitrine expirante, et parce qu’aussi on y sent le