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le nombre des années, lui apparaissait sous un aspect plein d’émouvante sérénité. On connaît les pages dignes d’un Marc-Aurèle, — qui aurait eu un laboratoire perfectionné, — où Dastre pose à l’appui de sa thèse que, si le cycle normal de l’existence était rempli, « le besoin de la mort devrait apparaître à la fin de la vie, comme le besoin du sommeil arrive à la fin du jour. »

Quoi qu’enferme de mystérieux cette cessation de la vie qui a hanté chez Dastre non moins le philosophe que le physiologiste, elle ne peut pas être, dans son cas, ce qu’annonce le mot si tristement concis de Sénèque : « Post mortem nihil ; ipsaque mors nihil. » Du moins pour Dastre le premier terme de la définition est faux, et c’est ce que je voudrais montrer maintenant par un coup d’œil rapide sur ses contributions positives à la science.

Si parfois dans ses écrits non purement techniques Dastre a effleuré, et d’une main infiniment délicate et prudente, ces éternels problèmes de métaphysique et de mystique qui échappent à la science et que Claude Bernard, il y a un demi-siècle, appelait ici même avec tant de profondeur « les sublimités de l’ignorance, » du moins au laboratoire Dastre n’était plus que l’expérimentateur, esclave du fait ou plutôt de la catégorie du fait, infiniment dédaigneux des apriorismes et des systèmes., Il professait, comme son maître Claude Bernard dont il fut le préparateur avant de lui succéder, après Paul Bert, dans sa chaire de physiologie de la Sorbonne, que les bâtisses théoriques où se complaisent la fantaisie et l’esprit d’hypothèse et de système, ne peuvent être que de quelques types depuis longtemps connus ; qu’elles n’ont d’intérêt que pour servir d’abris transitoires aux faits, aux phénomènes seuls perpétuellement enrichis, comme les baraquemens en bois ou en stuc d’une exposition servent d’écrin passager aux chefs-d’œuvre de l’art.

Seuls, les phénomènes, créés et scrutés par l’expérimentation, l’intéressaient. Par elle seule il voulait que la science en appelât des imperfections présentes aux perfectionnemens de l’avenir. C’était la prudente et féconde attitude du déterminisme physiologique que Claude Bernard avait imposée à l’étude scientifique des phénomènes vitaux.

Les découvertes de Dastre ont porté d’abord sur cet étrange système nerveux sympathique qui, parallèlement au système nerveux proprement dit, — comme dans les campagnes les fils du