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à la vie et à la mort, ces grandes et uniques questions qu’il abordait, lui, avec son lucide scalpel de physiologiste, on reste troublé par les vues harmonieuses qu’il avait été conduit à adopter sur ces sujets, et auxquelles sa propre fin donne un dramatique relief.

Après avoir établi que l’immortalité des organismes vivans n’est pas une impossibilité et qu’elle existe précisément chez les êtres les plus simples qu’étudie la biologie, après avoir observé que cette immortalité des protozoaires ne se continue point dans les organismes plus complexes, et que ceux-ci cessent d’être soustraits à la loi douloureuse de la léthalité, il concluait par cette remarque dont on ne sait, sous sa froide apparence, si elle est plus saturée d’ironie, d’amertume ou de sérénité : « La mort apparaît ainsi comme la rançon d’une savante complexité, comme un singulier privilège attaché à la supériorité organique. »

Mais enfin, nous sommes des hommes, et malgré l’étroite filiation qui nous lie aux protozoaires, nous sommes assez dépourvus du sentiment de la famille pour trouver plus d’intérêt à notre sort qu’au leur. Aussi Dastre, dans ses écrits de philosophie scientifique, — où se résume magistralement le bilan de son savoir et de ses propres travaux, — a-t-il donné une attention particulière au problème de la mort dans l’espèce humaine. L’homme ne meurt jamais que d’accident, de maladie ou de vieillesse ; or, la maladie est elle-même un accident. La vieillesse n’en est-elle pas un aussi ? Elle est en tout cas une sclérose des tissus ; mais cette sclérose sénile est-elle, comme toutes les autres scléroses, d’origine morbide, c’est-à-dire évitable ? Grave, angoissante question ; car si elle était résolue positivement, l’homme pourrait entrevoir la possibilité, théorique aujourd’hui, pratique peut-être pour nos arrière-petits-neveux, de reculer sans limite l’échéance de la mort. Nous n’en sommes pas là, d’ailleurs, et c’est peut-être heureux en un sens, car les hommes ont déjà sans cela bien assez d’autres raisons de s’entre-massacrer. Dastre d’ailleurs, comme Metchnikoff, quoique pour des raisons un peu différentes, tendait à croire que la vieillesse est une maladie et que la mort est donc toujours causée par un accident. Hélas !

La vieillesse, en tout cas, cette vieillesse que n’a point connue sa verdeur infrangible, et qui pour lui attendait encore