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judiciaire ne laissa plus de traces à partir de 1877 : cette année-là, la Cour d’appel, anciennement établie par nous à Trêves, transférée à Cologne en 1815, cessa d’exister et fut remplacée par un Oberlandesgericht.

L’école, dans la transformation de l’esprit public, joua un rôle considérable. L’Université de Bonn continua la tâche qu’on lui avait assignée de convertir l’opinion à la domination prussienne. On sait quelle propagande y a faite Sybel. Ses collègues l’ont bien soutenu dans sa besogne et n’ont jamais refusé leur concours à la politique du gouvernement. A l’Université de Bonn on avait adjoint deux écoles techniques supérieures, l’une à Aix-la-Chapelle, l’autre à Cologne. Il sortait de tous ces instituts scientifiques, largement entretenus, des médecins, des négocians, des ingénieurs, des avocats, des administrateurs, des professeurs, des prêtres même, qui avaient reçu l’empreinte de l’éducation nationale selon les formules prussiennes.

A tous les degrés, l’œuvre poursuivie par l’école était la même : on pétrissait puissamment les cerveaux et on leur inculquait l’admiration de la grande Allemagne, de sa puissance et de son génie, avec le soin méthodique qui présidait également aux offensives commerciales. L’enseignement primaire déployait dans cette tâche peut-être plus d’activité encore que les autres, car il avait pour mission de former des soldats et de donner une âme à cette armée qui soutenait l’édifice impérial. L’instituteur agissait par le lied patriotique, et sa parole exaltait les souvenirs de 1870, des grandes victoires qui avaient permis de fonder l’Empire si fécond en bienfaits, don béni des Hohenzollern autrefois si détestés. Devenu adulte, le jeune Rhénan passait sous l’autorité des sous-officiers, qui complétaient son instruction et lui apprenaient ce qu’il devait à l’uniforme du roi. Au sortir du régiment, il était recueilli par une de ces associations de vétérans dont le gouvernement avait favorisé la création et que l’on voyait figurer avec leur drapeau dans les cérémonies officielles, lorsque l’on inaugurait, par exemple, l’une de ces statues représentant Guillaume Ier, Bismarck ou Moltke, et qui s’élevaient toujours plus nombreuses dans les villes de la rive gauche. Cinquante années auparavant, c’étaient les anciens soldats de Napoléon qui se groupaient et s’organisaient. Or, la tradition militaire