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dirigeraient ensuite vers Lourdes. On assure aussi que Decazes aurait proposé de barrer la frontière, mais que Berlin aurait décliné cette offre, en constatant que le gouvernement français n’entrait pour rien dans cette manifestation politique. Toutes ces négociations sont assez obscures, mais il est certain qu’une pression fut exercée sur les pèlerins. Ils traversèrent bien Paris, mais ils le firent sans bruit et se rendirent à Notre-Dame des Victoires sans aucune ostentation ; ils y furent seulement copieusement insultés par une bande de protestans allemands qui les y attendaient, et qui, par leurs injures, témoignèrent de la colère prussienne.

Pour venir à bout de l’opposition particulariste des catholiques allemands, Bismarck comptait qu’il lui fallait encore une fois vaincre leur alliée naturelle, la France. Ses premières tentatives pour nous jeter dans le Kulturkampf datent de 1873. A partir de ce moment, Hohenlohe déploya tous les artifices de sa diplomatie pour provoquer l’évolution attendue : il montrait une Allemagne conciliante, si le gouvernement français se décidait à mater les « ultramontains ; » au contraire, s’il se laissait entraîner par eux, la paix demeurerait précaire. Il n’y a rien à changer ici aux démonstrations de M. Georges Goyau. Les premières élections républicaines sont de 1876 et provoquent les commentaires favorables des journaux bismarckiens. Au 16 mai, ils redoutent une victoire de la Droite et ils agitent le spectre de la guerre : les députés adversaires du maréchal emboîtent le pas avec docilité. Dès le 17 mai, Gambetta donne le mot d’ordre : « Les menées cléricales ne sauraient nous amener que la guerre, » mais déjà, quelques jours avant, il a lancé la formule célèbre : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »

Sous couleur de libéralisme, l’entente s’établissait donc entre la France, l’Allemagne, et aussi l’Italie. Bismarck, chef de cette coalition, remportait un succès qui lui assurait la consolidation de l’Empire. Les élections ramenèrent à la Chambre les 363, et Mac-Mahon, sans se démettre, se soumit. Ce n’était pas assez pour le chancelier. A l’ancienne Allemagne française il eût voulu montrer sa protectrice d’autrefois sur l’étape même de l’abdication. Au mois d’octobre 1877, il fit répéter par l’un de ses agens à Paris, Henckel de Donnersmarck, que la paix serait assurée si la France renonçait à soutenir le catholicisme, et il le chargea de proposer à Gambetta une