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annales romantiques, était, en un sens, plus actuel qu’il n’en avait l’air. Cette libation sanglante donnait un surcroît de vie à la divinité de l’Empereur.


IV. — UNE NOUVELLE RELIGION.

Depuis une quinzaine d’années, le Japon, s’il ne travaille pas précisément à se rejaponiser, s’est arrêté sur la pente de l’imitation européenne et s’y retient énergiquement à tout ce qu’il a pu trouver de plus vivace dans son passé. Les hommes qui le dirigent ont compris qu’après une révolution dont les conséquences presque immédiates avaient délié tous les citoyens de leurs obligations héréditaires, il importait de leur reconstituer un lien spirituel et, dans l’acception profonde du mot, une religion. Ils avaient bien une religion, ils en avaient même deux, mais l’une incapable de coopérer à l’unité nationale, et l’autre qui paraissait exténuée.

Le bouddhisme divisé en sectes, et chaque secte attendant toujours un réformateur qui ne vient pas, ne satisfait que les classes populaires, dont il entretient les superstitions, et quelques petits groupes d’étudians et d’étudiantes, d’hommes et de femmes du monde, qui se sont initiés à ses arcanes et qui, autant par mode que par besoin de silence, font autour de ses temples des retraites de méditation. Son pessimisme n’a aucune prise sur la classe bourgeoise. L’opinion publique s’en défie. La presse ne cesse de dénoncer les rapines et les débauches des bonzes. Les tribunaux sont à tout instant saisis d’un nouveau scandale. Cependant, le gouvernement ne le tracasse pas ; il l’encourage même, chaque fois qu’une de ses sectes, stimulée par l’exemple du christianisme, essaye d’en imiter les œuvres. Le ministre de l’Instruction publique assiste à l’inauguration d’une université religieuse. Le ministre de la Justice non seulement admet dans les prisons les aumôniers bouddhistes, mais il offre l’encens au service annuel qu’ils célèbrent pour les âmes des prisonniers et les félicite de leur ouvrir ainsi la voie de la suprême illumination. Le ministre de l’Intérieur exprime à ses préfets le vœu que les assemblées populaires se tiennent de préférence près des temples. On fonde pour les hôpitaux une association d’infirmières bouddhistes sous, le nom de Aisomé Kwai (Teinte d’Amour). Les employés des postes sont