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il s’ingéniera à être un « chancelier de compromis. » C’est un homme de droite qui sans doute dira vouloir faire une politique de gauche » Si cela se passait autre part qu’en Allemagne, nous avancerions hardiment qu’il sera combattu par la gauche à cause de ses doctrines et par la droite à cause de son programme. Dans ce pays docile jusqu’à la servilité, il peut avoir toutes les opinions pour lui, mais, le vent ou la chance tournant, il pourra réunir toutes les opinions contre lui. « Un vieux renard, » dit-on. Eh! oui, le comte Hertling va faire le renard. Mais c’est toujours Hindenburg qui fait le lion.

En Italie, le ministère Boselli a fait place au ministère Orlando. Les circonstances graves, au milieu desquelles la transformation du Cabinet s’est produite lui enlèvent toute signification. Avec un autre chef, le gouvernement reste le même, autour de son axe immuable, M. Sonnino. M. Boselli est parti, mais du moins que lui soit rendu cet hommage qu’il avait vaillamment assumé dans son grand âge et qu’il a vaillamment accompli une lourde besogne ; que son patriotisme ardent lui a souvent inspiré les accens les plus nobles, et que, si sa pensée et son éloquence avaient parfois une couleur un peu romantique, ce romantisme même faisait de lui un témoin, un exemple et un modèle de l’autre génération parmi les inquiétudes et les hésitations de celle-ci. Il serait oiseux de rechercher si M. Orlando a coupé toutes ses attaches giolitiennes, puisque M. Giolitti lui-même a coupé ses liens neutralistes. En novembre 1915, M. Orlando passait pour ne vouloir que mollement ou modérément la guerre. Le meurtre des passagers de l’Ancona lui dicta pourtant, à Palerme, dans le plus martial des discours, une péroraison volcanique sur « la guerre de haine et de vengeance. » Dans les grandes secousses nationales, la nécessité fait l’homme. Qu’importe que M. Salandra, M. Boselli, ou M. Orlando, s’installe au palais Braschi, quand l’Allemand est à dix lieues de Venise ?

En Espagne, nous avions dit qu’une crise se préparait, et que, si elle n’avortait pas, sa conclusion nous réserverait des surprises. Elle nous en a donné une de plus que nous n’en attendions. Des renseignemens de bonne source nous avaient fait croire qu’une combinaison Maura était toute prête : un ministère de coalition comprenant toute sorte d’élémens, même régionalistes, et presque socialistes ou libéraux extrêmes, c’est-à-dire radicaux, sous la présidence d’un homme d’État passé lui-même du libéralisme au conservatisme extrême, qui ne se fût pas tenu pour engagé par ses déclarations les plus retentissantes, et du reste les plus énigmatiques, des trois années dernières. Mais, au moment de sauter ou de combler le fossé,