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volonté, sa capacité de guerre s’y retrempent, et si elle se rappelle l’antique maxime, frappée à Rome pour l’éducation des peuples, qu’il ne faut jamais désespérer de rien, mais que, dût-on désespérer, il n’y aurait encore de salut que dans le désespoir. Maintenant, voilà les Barbares ; mais voici, aux côtés des soldats du San Gabriele, ceux de l’Yser et ceux de Verdun.

Aussi bien ce suprême effort de l’Europe centrale, en dépit du prestige qu’il lui rend à ses propres yeux, la fait-il, sous les nôtres, de nouveau passer au dynamomètre. Il nous révèle qu’elle n’a pu jouer sa partie dans le Frioul qu’en dégarnissant complètement [le front russe, qui lui a été livré par l’anarchie et par la trahison, qu’en raccourcissant et amincissant ses lignes sous Riga. L’état de déchéance physique et morale des hommes que nous lui avons pris au cours de notre dernière bataille de l’Aisne en est un autre signe non moins clair. L’Allemagne se hâte, se tend, s’enfièvre, respire précipitamment, halette, parce que de plus en plus le souffle lui manque. Il lui faut nous ôter le secours du temps, qui travaille pour nous et contre elle. C’est pourquoi elle veut en finir, et c’est pourquoi nous devons à tout prix empêcher qu’elle n’en finisse. Son succès de l’Isonzo et du Tagliamento est très réel, et il est très grand ; mais, sous un second aspect, dans l’arrière-fond, il contient une part et va devenir un instrument de « bluff. » L’Allemagne, quand elle l’aura grossi, gonflé, multiplié par dix, prendra des airs magnanimes ou intéressans, fera montre successivement d’outrecuidance et de générosité. Cette offensive était, à l’origine, une offensive pour la paix, une offensive diplomatique : on en trouverait l’aveu, sans peine, dans la Gazette de Cologne.

Auprès de pareils événemens, ce qui serait, en temps ordinaire, les jeux ordinaires de la politique, des crises ministérielles, des changemens de personnes au pouvoir, sont bien peu de chose. Il y en a partout, chez les belligérans et chez les neutres, mais ils ne valent d’être relevés que par rapport à l’influence qu’ils peuvent avoir, s’ils en ont une, sur ces événemens mêmes. En Allemagne, M. Michaëlis a été remercié, au bout du trimestre, par une lettre autographe de l’Empereur. Sa chute aura été rapide : nous l’avions prédite dès son premier discours, le 19 juillet. La faveur l’avait apporté, la disgrâce le remporte : il n’a résolu qu’un problème, qui est d’avoir fait regretter M. de Bethmann-Hollweg.

Pour les autres, il les a plutôt tous embrouillés. Le vice-chancelier Helfferich, illustre déception aussi, le suit dans sa retraite. En revanche, le ministre de la Marine, amiral von Cappelle, trop tôt jeté