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même, à Motta di Livenza. Faute de quoi, il faut aller chercher la Piave, qui a vraiment de grands avantages. Avant tout, elle n’est pas facile à tourner, des défilés du Cadore et du Trentin : elle court au lieu de plus petite distance entre la montagne et la mer, elle couvre la plus riche portion du territoire vénitien, elle est le débouché de quatre lignes militaires du Sud et de l’Ouest; alors, notait M. Scipio Slataper, à qui nous empruntons ces observations, qu’il n’y en a que deux qui arrivent à la frontière, et trois au Tagliamento. Mais, quoiqu’elle ne soit pas aisément guéable, Napoléon, le vice-roi Eugène, puis Nugent, l’ont passée sans difficulté. Pour se concentrer sur la Piave, on est contraint d’abandonner préventivement plus de 6 600 kilomètres carrés d’un riche territoire, et malgré tout, la ligne n’est pas excellente, parce qu’elle ne se prête pas à des fortifications. Trévise est en rase campagne, sans hauteurs; et il n’est pas un point de la rive gauche où il soit possible d’opposer une défense efficace.

Resterait la Brenta, si elle aussi n’était pas guéable de Bassano à Brondolo ; à tout prendre, elle ne sert qu’à couvrir, renforcée par le camp retranché de Mestre, Venise et la communication avec le bas Po. Aussi fait-elle déjà partie du système défensif de l’Adige. Il reste par conséquent l’Adige. Eugène de Beauharnais, en 1813, n’ayant pu se maintenir à Laybach, s’était retiré sur l’Isonzo qu’il se proposait de défendre. L’attitude du roi de Bavière, qui faisait cause commune avec les ennemis de Napoléon, l’obligea à se replier sur le Tagliamento et sur la Piave. En face de lui, les Impériaux, d’une part, étaient entrés dans le Cadore et, le long du Tagliamento, tendaient à se joindre à celles de leurs troupes qui, d’autre part, ayant franchi les Alpes juliennes, s’étaient emparées de Gorizia. Ce ne fut que sur l’Adige qu’Eugène parvint à se défendre utilement pendant trois mois ; mais là, sans une complicité insoupçonnée, l’armée autrichienne ne l’eût pas vaincu, bien que de forces supérieures.

Même sur l’Adige, il sera bon de ne pas oublier que dans la frontière alpestre, d’Allemagne et d’Autriche en Italie, ne s’ouvrent pas moins de seize passages.il y a là-dessus une page bien curieuse de Frédéric Engels, qui, avant de devenir un des trois fondateurs du socialisme international, avait été officier de complément dans l’armée prussienne, et des plus zélés : « De la mer Adriatique au col du Stelvio, a écrit Engels, tous les débouchés qui se succèdent vers l’Ouest conduisent toujours plus bas au cœur du bassin du Pô et par suite tournent toute position d’une armée italo-française qui se trouverait plus avancée vers l’Orient. » Les mouvemens signalés dans