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Avant la guerre, la farine à pain blanc ordinaire était blutée à 70 p. 100 environ, c’est-à-dire que de 100 kilogs de blé on extrayait 70 kilogs de farine et 30 kilogs d’issues destinées aux animaux. Cette farine était très blanche, car elle ne contenait pour ainsi dire que des parcelles de l’amande.

Le 16 octobre 1915, une loi a obligé les meuniers à ne vendre qu’une seule qualité de farines blutés à 74 p. 100. D’autres lois sont intervenues ensuite portant ce taux à 77 p. 100 le 25 avril 1916, puis à 80 p. 100, 29 juillet 1916. Enfin est survenu le fameux décret du 3 mai 1917 pris par M. Viollette, alors ministre du ravitaillement, décret qui est cause de toutes les discussions actuelles et qui portait uniformément à 85 p. 100 le taux du blutage imposé à tous les meuniers, c’est-à-dire qui les obligeait à extraire de 100 kilogs de blé à eux fournis, 85 kilogs de farine. Une décision récente de la Cour de Cassation qui remet tout en question vient d’ailleurs d’enlever toute valeur légale à ce décret.

Mais, me dira-t-on, quel peut être l’intérêt pratique de ces petites différences, et y a-t-il là de quoi justifier toute l’agitation passionnée qu’elles ont créée dans les sociétés savantes, à la Chambre et jusque dans le public ? Un mot suffira pour répondre à cette question : si la France dispose l’année prochaine de 60 millions de quintaux de blé (en admettant que 20 millions importés pourront s’ajouter aux 40 millions de la récolte), c’est près de dix millions de quintaux de pain en plus qu’on aura gagné en passant du blutage à 70 au blutage à 85 p. 100.

Plus on augmente le taux du blutage, plus on augmente, — et de quantités énormes par chaque fraction centésimale de blutage, — la quantité disponible de farine panifiable. Si toutes les farines, quel que soit leur taux de blutage, fournissaient des résultats identiques pour l’alimentation du pays en pain, il est évident qu’il n’y aurait aucune raison pour ne pas souhaiter l’emploi de blutages de plus en plus élevés, puisque la quantité de pain produite en est augmentée. Mais tous ces pains ne se valent pas, et c’est de là précisément qu’ont surgi toutes les discussions actuelles entre physiologistes, meuniers, boulangers, médecins, discussions dont je voudrais maintenant indiquer l’état présent et que le public suit passionnément, parce que la qualité et la quantité (je devrais dire peut-être la quotité) de son pain quotidien en dépendent.


Une première chose est certaine, c’est que la nation avait très bien