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bourgeois, prélats, chanoines, firent assaut de générosité. L’abbé de Saint-Denis en France offrit les biens de l’abbaye, le bois de ses forêts, les chevaux de ses écuries pour le charroi des matériaux ; Charles d’Orléans envoya spontanément au chapitre l’autorisation d’exploiter ses futaies d’Epernay pour la réfection de la charpente des combles, — hélas ! cet incomparable chef-d’œuvre de charpenterie a été la première victime des artilleurs allemands ! — De toutes parts, sous Charles VIII comme sous Louis XI, sous Louis XII comme sous Charles VIII, « pour grant amour et affection pour Notre-Dame et pour compassion du piteux feu naguères allumé en icelle et pour et enfin de la aidier à le reparer, » les donations affluèrent, car elle avait souffert « en grant diformité, ruine et désolacion, la muraille et maçonnerie en grand partie par en hault cuicte et moult endommagée. »

Faisons comme les Français du XVe et du XVIe siècle ; si Notre-Dame après la tourmente est encore viable, nous l’aiderons à revivre, mais nous éviterons les erreurs de nos pères. Ceux du XVIIIe siècle eurent le grand tort de vouloir refaire plusieurs figurines des voussures du portail occidental. Nous interdirons à tout sculpteur de restaurer ou même copier aucune statuette ou statue ; celles qui auront eu à souffrir de l’incendie et du bombardement resteront mutilées. Nous laisserons béantes ces horribles cicatrices : elles n’importent pas à la solidité du monument, et c’est elles qui témoigneront de la barbarie allemande et suffiront certes à entretenir et à renouveler dans les cœurs cette haine qu’il ne faut pas en effet laisser s’éteindre. Aucune statue ne sera refaite ; il y aura des places vides dans le grave et charmant cortège de Saint-Nicaise ; la reine de Saba restera décapitée ; l’ange, si l’on arrive à rapprocher quelques morceaux de sa tête charmante, ne sourira plus que du sourire blessé et désormais douloureux de son visage affreusement balafre… et les siècles à venir sauront à qui imputer la responsabilité de ces meurtres sacrilèges : « Ici l’Allemand a passé ! »

Voilà ce qu’il faudra faire, et voilà ce qu’il faudra empêcher. Les voûtes, les murs, les contreforts, les arcs-boutans, les arcs ogifs, doubleaux et formerets, tout ce qui importe à la vie organique et à la durée de la cathédrale, tout ce qui constitue son ossature et son armature, nous le réparerons partout où besoin sera et dans la mesure qu’il faudra. Nos appareilleurs et