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y retrouveront les souvenirs sublimes qui l’habitent et les ombres héroïques qui la hantent, qui osera se lever pour s’opposer à cette résurrection, pour demander cet abandon, ce suprême arrêt d’inévitable mort ? C’est lui qui porterait le dernier coup, — plus funeste que ceux des Boches ! — et donnerait un fatal démenti à toute notre tradition, à tous nos instincts, à tous les enseignemens de notre histoire.

En réalité, le maire de Reims, M. Langlet, en demandant que la cathédrale des Rémois reste leur cathédrale, ne fait que continuer les échevins ses prédécesseurs qui, à chaque sinistre, n’eurent qu’une pensée : rendre à leur Notre-Dame sa vie. Rappelons leur conduite au lendemain de l’effroyable catastrophe du 24 juillet 1481. Jehan Foulquart, procureur syndic de la ville de Reims, en écrivit la relation, et les historiens de la cathédrale l’ont recueillie. Personne n’eut la pensée de laisser « la cathédrale la plus belle et la plus riche du royaume » dans l’état de détresse où l’avait mise « le plus piteux feu qui se fût jamais vu en une église. » Les bourgeois prirent les devans et, pendant que le chapitre rédigeait en un sonore latin d’école une délibération où s’exprimait la consternation publique (O quam plorabilem et lamentabilem casum, quod dolenter recitandum est, proh dolor ! quod tota insignis et metropolis Ecclesia Remensis… fuit igne successa…), ils envoyaient au très redouté roi Louis XI une députation pour lui annoncer le sinistre et disculper la ville. Le roi fut désolé et furieux ; c’est sur les pauvres chanoines qu’il déchargea sa colère, menaçant, « s’il faisait son devoir, » de les chasser « pour mettre à leur place les bons moines. » Mais sa consternation fut plus grande encore et plus durable que son courroux ; — il promit son aide, que Charles VIII et Louis XII continuèrent, et pendant plus de trente ans on travailla à réparer les dégâts… On reprit courage à Reims ; trois chanoines furent nommés d’abord, pour constater avec des gens experts l’état des « ruines ; » le chapitre, après quelques démêlés avec l’échevinage, s’entendit sur la nomination des gens de l’art « qui auront la charge d’entendre aux ouvrages et d’aider à les conduire et conseiller. » On lit trêve aux dissensions et l’on ne pensa plus, comme écrit M. L. Demaison, l’historien le plus compétent de la cathédrale, qu’à unir tous les efforts dans l’unique dessein de relever Notre-Dame et de faire disparaître toutes les traces de l’incendie. Princes,