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maisons, de tous les foyers du souvenir, de l’espérance, de la famille et du travail, qu’ils couvrirent de leurs corps sacrifiés et de l’héroïsme de leurs âmes immortelles… Que ferons-nous pour y ramener la vie, pour préserver de la mort totale tout ce qui pourra être encore sauvé du patrimoine des ancêtres ? Comment concevoir, conduire l’œuvre redoutable des restaurations nécessaires ou prendre parti sur les abandons inévitables ?

Pour répondre à ces angoissantes questions, il est indispensable de mettre à profit l’expérience d’une histoire, trop abondante, hélas ! en destructions et en crises iconoclastes ; pour éclairer l’opinion publique et l’empêcher de céder aux entraînemens d’un sentiment mal informé et trop prompt à désespérer, il faut lui rappeler un passé riche en « précédens. »


La France a été la première parmi les nations européennes à constituer chez elle une catégorie de monumens « classés » et « historiques » et à instituer un service spécial pour veiller à leur surveillance, entretien et restauration. À qui voudrait se rendre compte de la nature et de l’importance de ce service, de son organisation actuelle, de sa tâche et de ses responsabilités, on ne peut que signaler un livre récemment paru : Les Monumens historiques[1]. L’auteur, M. Paul Léon, chef de division des services d’architecture au sous-secrétariat d’Etat des Beaux-Arts, était mieux placé qu’aucun homme de France pour en révéler au public l’histoire très mal connue. Il y a apporté les meilleures qualités de l’historien formé à bonne école, l’intelligence la plus lucide, un style net et sobre, dont Mérimée qu’il cite souvent eût aimé l’élégance nerveuse.

Son rôle ne pouvait être d’écrire un réquisitoire ; du moins s’est-il soigneusement gardé de l’apologie et du plaidoyer. Ce qu’il nous apporte, en somme, c’est un grand rapport, impartial et vivant, documenté de première main, où la critique est peut-être çà et là discrètement atténuée, mais d’où la vérité se dégage toujours reconnaissable et efficace… Nous n’apportons pas ici un compte rendu critique qui nous détournerait de notre sujet principal ; mais il fallait mettre à profit les renseignemens et les enseignemens d’un tel ouvrage, avant d’aborder l’examen

  1. Paris, grand in-4o, 1917 (Laurens, éditeur).