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pas de jolie, mais il y en a deux qui sont beaucoup plus petites que moi. Ainsi tu dois penser ce qu’elles doivent être. » Et les dîners, les soupers, les bals de se succéder ; même on verse diverses fois dans les fossés, car on se sert de chevaux d’artillerie dont les conducteurs sont ivres. Il y a des soirées charmantes, terminées par de jolis ambigus ; il y a des lancemens de gabarres, et surtout des tours de valse. La société est nombreuse, les femmes sont aimables et faciles, on reçoit beaucoup, on est toujours en fête, et Mme Saint-Cyr est ravie. Pour faire pendant à sa chienne, le négociant qui lui donne l’hospitalité lui offre une perruche, puis un perroquet de prise, qui se trouvait sur un navire anglais de deux millions, ensuite un singe et puis une macaque. Enfin, on est à merveille pour Armande. « C’est une drôle de ville que Bayonne, écrit-elle. La société y est agréable, mais chaque femme y a son amant en titre, et tout le monde sait cela. Pour moi, j’ai été bientôt au courant de toutes les petites intrigues par Saint-Cyr d’abord et par les aides de camp. » Cependant le camp s’accroît ; le corps d’armée est porté à dix-sept mille hommes ; on attend un lieutenant général ; le général Saint-Sulpice[1]prendra le commandement de la cavalerie ; on ne doute pas que Saint-Cyr ne soit promu. Cela se passe d’ailleurs fort simplement, et c’est Devaux qui l’annonce à la belle-fille de son frère, un jour où le ménage Saint-Cyr est allé à Dax pour une fête. « Notre armée, écrit-il, s’augmente tous les jours ; le général de division Dorsner[2]est arrivé avant-hier pour commander l’artillerie. Le général Augereau[3]est en route pour venir prendre le commandement en chef de cette armée ; il aura deux généraux de division sous lui : mon frère, qui vient d’en avoir le grade, en est un ; je ne sais pas encore le nom de l’autre ni celui du chef d’état-major. » Devaux précise le lendemain que le général Augereau sera rendu au premier jour et apporte avec lui, pour Saint-Cyr, les lettres de général de division.

Mais Mme Saint-Cyr ne sera pas à la réception. Constance réclame sa mère. Elle est enceinte, sa santé est altérée, ses

  1. Raymond-Gaspard Bonardi de Saint-Sulpice, né en 1761, général de division, marié à Antoinette Poursin de Grandchamp.
  2. Jean-Philippe-Raymond Dorsner, sous-lieutenant en 1781, général de division en 1795, retiré en 1806, mort en 1829.
  3. Pierre-François-Auguste Augereau, plus tard maréchal d’Empire, duc de Castiglione.