Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Capucins de Grèce, il recommande à tous nos agens du Levant la protection des églises chrétiennes. Quelques années se passent, et notre ambassade, ne se contentant plus d’être protectrice, favorise activement, là-bas, l’expansion du nom chrétien. Dès le 10 mars 1802, notre chargé d’affaires Ruffin, dans une curieuse lettre au préfet de la Propagande, le supplie d’envoyer en Grèce un renfort de Capucins, et comme ils se font attendre, le voilà qui suggère qu’on pourrait envoyer des Capucins étrangers, même des Allemands[1]. Des agens comme Aubert-Dubayet, comme Ruffin, prévenaient toute solution de continuité entre la France d’hier et celle de demain. La France de demain, c’était Bonaparte ; et comme Premier Consul, en octobre 1802, Bonaparte écrivait : « L’ambassadeur à Constantinople doit reprendre sous sa protection tous les hospices et tous les chrétiens de Syrie, d’Arménie, et spécialement toutes les caravanes qui visitent les Lieux Saints. »

Un autre Bonaparte, un demi-siècle après, réclamera pour les chrétiens latins la possession des Lieux Saints : d’anciens firmans se retrouveront dans les archives de nos rois, pour appuyer la revendication. Les régimes succèdent aux régimes, les systèmes aux systèmes ; mais le protectorat de la France subsiste : on dirait qu’il participe de l’immobilité de l’Orient. Sous une façade d’immobilité, il y a un dynamisme, qui toujours agit.

La troisième République s’établit, fait l’inventaire de l’héritage qu’elle recueille : elle y trouve ce dynamisme, et sa maxime est de le maintenir. En 1878, elle s’entend avec l’Europe, en 1888, elle s’entend avec Léon XIII pour que le protectorat religieux, avec tous ses droits, avec tous ses devoirs, continue d’être son privilège, à elle. Depuis Jean de la Forêt qui, soixante-douze ans après l’entrée des Turcs à Constantinople, demande et obtient d’eux, au nom de François Ier, tolérance et respect pour les catholiques d’Occident, jusqu’au comte Lefebvre de Béhaine, qui fait en 1888 stipuler par la Propagande que les missionnaires de tous pays, s’ils ont besoin d’aide, doivent recourir aux consuls et agens de la République française, la France apparaît constamment comme la protectrice des intérêts religieux dans le Levant.

  1. Voir l’ouvrage du P. Hilaire de Barenton : La France catholique en Orient durant les trois derniers siècles d’après des documens inédits. (Paris, Poussielgue, 1902.)