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Bourbons, renversée du trône, laissait à la France comme suprême cadeau la précieuse terre d’Algérie, où sous nos trois couleurs trois diocèses allaient fonctionner, l’Eglise put constater que, depuis la prise de Constantinople par les Turcs, c’était la première grande conquête faite sur l’Islam, et que cette conquête était l’œuvre de la maison de France, fille de saint Louis, et que l’expédition de 1270, douloureusement terminée sur la côte de Tunis, n’avait pas été la dernière croisade, puisque, six siècles plus tard, une autre expédition, celle d’Alger, paraissait en quelque mesure en avoir vengé l’échec.


VII

Il y avait antagonisme, nous l’avons laissé voir, entre les survivances de l’idée de croisade et les maximes nouvelles de tractations avec le Turc : le dessein médiéval de reculer, aux dépens de l’Islam, les frontières de la chrétienté n’avait rien de compatible avec les modernes pratiques de chancellerie qui sollicitaient et marchandaient l’alliance du Turc. Le geste de François Ier, négociant en 1521 avec le sultan Soliman, fut une poignante surprise, voire un scandale, pour les contemporains : le roi de France serrait la main du Turc et s’alliait à lui contre l’Empereur ! Mais de la main du Turc un cadeau tombait bientôt, qui s’appela, dans l’histoire, les Capitulations de 1535. En vertu de ce cadeau, les Français voyageant en Orient étaient libres d’observer leur religion, et le Pape, les rois d’Angleterre et d’Ecosse pouvaient, en se joignant au traité, obtenir pour leurs sujets les mêmes libertés. Un membre de la catholicité, le membre français, à la faveur même de son pacte avec le Grand Turc, visait à rendre libres, en terre d’Islam, le Christ et les chrétiens. Henri II voulut que son ambassadeur d’Aramon s’en allât jusqu’en Palestine pour examiner, sur place, la situation des religieux latins, et pour la faire améliorer, au nom du roi de France.

Les souvenirs de Charlemagne recevant de Haroun al Raschid les clefs de Jérusalem et obtenant là-bas, dans le quartier de « Latinie, » certaines prérogatives protectrices, les souvenirs de saint Louis promettant « protection à la nation des Maronites, comme aux Français eux-mêmes, » planaient sur ces tractations mêmes, qui faisaient l’effet d’une désertion du passé.