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les barbares, l’arianisme régnait, et menaçait l’Eglise de Rome de n’être plus qu’une vaincue.

Un nouveau flot survint : Clovis le conduisait. Ce flot descendait de la région de Tournai, où les ariens venaient de déposer un évêque catholique ; et l’arianisme, guettant cette nouvelle famille de barbares, avait déjà séduit la sœur même de Clovis. Mais l’ascendant de sa femme Clotilde, — une Burgonde demeurée catholique, — fit prévaloir auprès de lui les démarches des évêques gallo-romains ; il élut un de leurs baptistères, celui de Reims, pour être fait chrétien. « La Providence divine, lui écrivait aussitôt dés lointains bords du Rhône l’archevêque saint Avit, a découvert l’arbitre de notre temps. Le choix que vous avez fait pour vous-même est une sentence que vous avez rendue pour tous. Votre profession de foi, c’est notre victoire à nous. » Il y avait enfin, pour la première fois depuis cent ans, un chef barbare dont l’âme cherchait à Rome son Credo ; et ce chef était un conquérant.

Entre lui et les Wisigoths ariens, la lutte s’engagea : il fut vainqueur. « Le roi Clovis, commentera plus tard Grégoire de Tours, confessa l’indivisible Trinité, et puis, aidé par elle, il accabla les princes hérétiques. » Repliés à jamais vers les Pyrénées, ils durent les repasser, en 531, sous une dernière poussée du Franc Childebert. La puissance politique sur laquelle s’appuyait de préférence le Christ arien était déracinée de la Gaule par les Francs. Ce fut en 534 le tour de l’autre royaume où l’arianisme un instant s’était complaisamment étalé : la Burgondie. Elle succombait devant les armes franques. Romains et barbares, en Gaule, avaient désormais la même foi, qui scellait la fraternité nouvelle de leurs âmes : Clovis et sa famille avaient, en faveur de Rome, opéré cette révolution.

Mais saint Avit ouvrait aux Mérovingiens de plus vastes horizons. « Puisque Dieu veut bien se servir de vous pour gagner toute votre nation, écrivait-il à Clovis, offrez une part du trésor de foi qui remplit votre cœur à ces peuples assis au-delà de vous, et qui, vivant dans leur ignorance naturelle, n’ont pas encore été corrompus par les doctrines perverses ; ne craignez pas de leur envoyer des ambassades, et de plaider auprès d’eux la cause de Dieu qui a tant fait pour les Francs. »

Saint Avit dessinait ainsi la vocation missionnaire de la France : il montrait au loin les païens. Mais tant qu’il resta