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penseurs et par mes artistes, par mes saints et par mes sanctuaires ; rentrez en vous-mêmes et connaissez-vous vous-mêmes ; vous y retrouverez quelque chose de mon apport. Bénéficiant de la vie de l’Église, vous tirez dès lors avantage de tout ce que j’ai fait et de tout ce que je fais en vue d’enrichir et d’épanouir cette vie. Et si, remontant dans le passé de votre peuple, il vous advient peut-être de discerner mon influence à certains tournans de sa vie spirituelle, j’ai confiance qu’alors, vous qui diffamiez une partie de moi-même et négligiez d’observer l’autre, vous commencerez au moins de m’accorder votre justice, et le reste par surcroit. »


I

La première page de l’histoire franque, — celle dont Clovis est le héros, — fut décisive pour la fortune du Christ. Observons l’Occident vers le milieu du cinquième siècle : au nom de l’Empire et contre l’Empire, des barbares règnent partout, sur les populations romaines. Ils s’appellent Genséric en Afrique, Ricimer en Italie, Théodoric et Euric en Aquitaine ; et tous se font du Christ une idée qui n’est pas celle de l’Église de Rome. Ils adorent un Christ diminué, déchu de son éternité, un Christ qui n’ose plus être pleinement Dieu, le Christ d’Arius. Derrière leurs armes victorieuses, c’est ce Christ-là qui chemine : Gépides et Ostrogoths propagent en Germanie sa gloire pâlie ; et les Wisigoths, surtout, sont pour lui d’infatigables fourriers. Ils le portent chez les Suèves d’Espagne, chez nos Bourguignons ; et les uns et les autres cessent d’être catholiques. « La nation wisigothe, écrit Jornandès, attire de toutes parts aux pratiques de la secte arienne tous les peuples qui parlent sa langue. » Le Christ de Rome et de Nicée, le Christ d’Athanase et du pape Jules, garde ses évêques, ses prêtres, ses fidèles, parmi les populations romaines sur lesquelles s’asseoient les souverainetés barbares. Mais Euric se fait persécuteur ; il emprisonne, il exile ; et l’évêque Sidoine écrit douloureusement « Le nom de catholique est tellement odieux à sa bouche el à son cœur, que l’on peut douter s’il n’est pas plutôt le chef de su secte que le roi de sa nation. » Il semblait que saint Prosper eût triomphé trop tôt lorsqu’il avait chanté Rome « s’assujettissant par la religion ce qu’elle n’avait nu subjuguer par les armes. » Avec les barbares et par