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La France, non moins qu’eux-mêmes, est soumise à cette loi. Mais nous avons le droit de dire qu’ils connaissent mal la France, lorsqu’ils ignorent ou lorsqu’ils taisent l’attrait permanent d’un certain nombre d’âmes françaises pour les besognes rédemptrices et pour les héroïques activités du repentir. Les « convertis » et les pénitentes dont l’humilité fut l’une des gloires de notre dix-septième siècle, et les troupes mortifiées de religieuses dites « réparatrices, » que notre dix-neuvième siècle multiplia, représentent à leur façon l’un des aspects de la France. Aux justiciers improvisés qui dressent avec âpreté le bilan de nos défaillances, qu’il nous soit permis d’opposer un autre bilan, celui des expiations volontaires qui tenacement en poursuivaient le rachat.

Fatigués à la longue de nous interpeller sur nos torts, ils nous reprocheront, peut-être, d’attacher trop de prix a. nos services. Et s’ils veulent dire, simplement, qu’il n’y a pas de commune mesure entre les bienfaits que l’Eglise réserve à ses ouailles et les bons offices qu’elles peuvent lui rendre, nous en conviendrons aisément, joyeusement ; car l’insolvabilité, qui vis-à-vis des hommes est un tourment, devient, vis-à-vis de Dieu, la suprême joie de l’amour. Loin de nous la pensée de poser ici notre France en créancière de la puissance spirituelle ! Il ne serait plus un fils de l’Eglise, le peuple qui cesserait de se sentir son débiteur. Les révélations qu’elle projette sur nos vies, les disciplines dont elle les encadre, les grâces dont elle leur propose l’acceptation, apparaissent à ceux qui croient en elle comme échappant à l’évaluation des comptabilités humaines : leur foi même leur remontre qu’ils ne pourront jamais lui rendre l’équivalent de ce qu’ils lui doivent, et que leur dévouement n’acquittera jamais leur gratitude.

Mais s’il est exact d’affirmer que dans le corps de l’Église chaque peuple a son rôle à jouer, — un rôle de membre, — et que tous les peuples, « membres les uns des autres, » sont appelés à collaborer, et que de l’enchevêtrement de leurs rôles résulte la vie collective du corps commun, le membre qu’est la France peut, sans fatuité, réclamer des autres membres reconnaissance et respect. Se tournant vers les catholiques du dehors, la France a le droit de leur dire : « Que vous le vouliez ou non, je tiens une place dans l’histoire de vos âmes ; je la tiens par mes soldats et par mes missionnaires, par mes