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que les Bretons appellent la mer d’Occismor, une de celles qui ont la pire réputation parmi les marins. Quelque temps qu’il fit, du lever au coucher du soleil, ils parcouraient, chacun sur une parallèle au chenal, l’espace compris entre deux traversales tracées sur la carte, et revenaient en sens inverse du coucher au prochain lever, dessinant avec leurs sillages la trame vite effacée d’un autre voile de Pénélope. Pas de plus dur ni de plus ingrat métier !

Une seconde barrière, de précaution, était constituée en arrière, par des sous-marins et des torpilleurs. L’amiral Rouyer se tenait à Cherbourg avec Marseillaise, Jeanne d’Arc, Amiral Aube, Cerbère et Francis Garnier, prêt à intervenir comme soutien.

Dans l’Est, c’étaient les Anglais qui barraient le détroit avec notre appui. Quand les sous-marins allemands commencèrent à se montrer, on sait comment ils le fermèrent au moyen de filets, sans que les requins allemands soient jamais parvenus à arrêter ni même à troubler le formidable mouvement de va-et-vient que représentaient le transport, l’approvisionnement et la relève des centaines de milliers d’hommes auxquels atteignait bientôt la « misérable petite armée anglaise. »

Peu à peu ralliait à Cherbourg ce que l’on pouvait mettre dehors en fait de vieux croiseurs au rancart, ainsi que quelques paquebots transformés en croiseurs auxiliaires. Des vapeurs étaient réquisitionnés, que l’amiral Rouyer armait avec des canons pris sur ses propres unités. Ils procédaient à leur entraînement et effectuaient leurs écoles à feu sur le terrain de croisière, où ils étaient aussitôt expédiés. C’est ainsi que la Deuxième escadre légère se trouva successivement renforcée par les croiseurs cuirassés Kléber et Desaix, les croiseurs protégés Châteaurenault et Guichen, et les paquebots mobilisés Provence, Lorraine, Savoie, Flandre, Champagne (transatlantiques), Rouen, New-Haven, Pas de Calais (malles d’Angleterre), Malte, Au Revoir, Timgad, Europe (services divers). Ces derniers furent employés, soit à renforcer la ligne de surveillance, soit à des transports de troupes ou de réfugiés. Quelques-uns passèrent en Méditerranée, d’autres furent rendus à leurs compagnies, Le Rouen remplaça un peu plus tard le Dunois comme bâtiment du chef de division de flottilles ; l’Au Revoir devint dragueur de mines.