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L’acharnement que mettent les Allemands, avec leur mauvaise foi coutumière, à essayer de rejeter sur lui la responsabilité de leur injustifiable agression, est la meilleure preuve de l’immense service qu’il nous a rendu, avec la collaboration la plus active et la plus dévouée de notre ambassadeur à Londres, M. Cambon.

Mais l’Angleterre avait toujours refusé d’aller plus loin. Son isolement ne lui faisait pas sentir, aussi impérieusement qu’à nous, le besoin de se concerter en vue du danger qu’offraient les ambitions de plus en plus démesurées d’une Allemagne armée jusqu’aux dents. Par une lettre du 22 novembre 1912, adressée à M. Cambon, sir Edward Grey s’était même attaché à enlever tout soupçon de caractère contractuel aux avant-projets ainsi établis. On y relève notamment que : « Ces consultations entre experts ne sont pas et ne doivent pas être considérées comme obligeant l’un ou l’autre gouvernement à agir dans une éventualité qui ne s’est pas encore produite et qui peut ne jamais se présenter. Par exemple, les dispositions actuellement envisagées pour les flottes française et anglaise ne sont point basées sur un engagement de coopérer en cas de guerre. Vous m’avez fait néanmoins observer que, si l’un des deux gouvernemens avait de graves raisons de s’attendre à une attaque non provoquée venant d’une troisième Puissance, il pourrait devenir essentiel de savoir si, dans un cas semblable, il aurait à compter sur le concours armé de l’autre. Je suis d’accord que, si l’un des deux gouvernemens avait de graves raisons de s’attendre à une attaque non provoquée, ou si quelque chose menaçait la paix générale, il aurait à discuter immédiatement avec l’autre si tous deux devaient agir ensemble pour prévenir l’agression et conserver la paix, et, dans l’affirmative, quelles mesures ils se prépareraient à prendre en commun. Si ces mesures allaient jusqu’à une action, les plans des états-majors seraient pris en considération, et les deux gouvernemens décideraient alors de l’effet qu’il conviendrait de leur donner. » Tel est, dans sa prudence diplomatique, et avec toutes les réticences de la plus circonspecte des chancelleries, le document à propos duquel Guillaume II et M. de Bethmann-Hollweg ont eu l’audace de nous accuser, les Anglais et nous, d’avoir prémédité la guerre ! A le prendre pour ce qu’il est, on ne saurait en tirer autre chose que la preuve de notre