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Constance, comtesse Charpentier, fut notre contemporaine. Elle avait quatre-vingts ans lors de son décès en 1868. Est-ce donc si vieux ?

Si elle était pareille à sa mère, comme elle a dû être aimable ! Et ne fallait-il pas qu’elles le fussent, si, comme il paraît avéré, elles passèrent ainsi l’une et l’autre un long espace de leur vie dans une bourgade de Picardie ! Quel changement en vérité, car quelles existences agitées, non par l’aller et retour de Paris à Constantinople, ce fut là un voyage, mais par le déplacement journalier de Maisons à Neuilly et à Paris, et puis, comme si ce n’était rien, Bayonne, Grenoble, par deux fois au moins l’Italie : qui donc disait que notre temps était le temps de « la bougeotte ? » Mme Saint-Cyr en fournit un bel exemple.

Assurément, c’est une mauvaise époque pour les contemplatifs. : Mme Saint-Cyr ne philosophe point et n’est guère lisarde : une seule fois, au cours de ses cent cinquante lettres, elle exprime une opinion sur un livre qu’elle lit. A la vérité, c’est Saint-Simon. « Tu sauras, écrit-elle, que, depuis que je suis ici (à Maisons), je me suis jetée dans la lecture du siècle de Louis Quatorze. Je lis les Mémoires de M. le duc de Saint-Simon qui ne sont pas très clairs parce qu’on a bien perfectionné le style depuis ce temps-là, mais bien écrits cependant et mettant bien au fait des intrigues de cette cour (en politique) et donnant une idée de ce qui arrivera dans ce siècle. Voilà mes amusemens quand je suis seule. » Il faut croire qu’elle est rarement seule ; et puis, elle aime le monde, les visites, les dîners, tout ce qui est de la vie élégante ; elle aime la toilette, et il n’est que de l’en entendre parler ; si futile pourtant qu’on la pourrait croire, elle a la grande, la première vertu : elle est fidèle en amitié ; ceux qui ont traversé sa vie lorsqu’elle était Mme Dubayet demeurent dans son intimité après qu’elle a prouvé, en épousant Saint-Cyr, la persistance de ses affections. Elle se brouille avec les Petiet, mais c’est qu’elle les soupçonne d’avoir attaqué sa chère petite fille. Elle replace près de son second mari un aide de camp du premier, Castéra, et elle continue à voir intimement le général Menant. Elle a gardé avec Grenoble des correspondances assidues et elle ne manque guère d’y venir au moins une fois par année. Elle porte à un degré impérieux cette fidélité, qui peut bien passer pour la qualité essentielle de l’être social. Mais on estime