Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garderons d’autant plus que nous ne provoquerons point par des défiances injustifiées et des arméniens militaires les sociétés au cœur pacifique. »

Ces pacifistes parlaient encore, que la guerre de 1914 éclata. On sait ce qu’elle a fait de ce bonheur individuel et de ces intérêts particuliers auxquels tout avait été sacrifié. Dans toutes les régions de la France où l’envahisseur s’est établi, ce n’est pas seulement la puissance de la nation qui a souffert, c’est chacun, dans chacun de ses biens, dans ses proches, dans sa personne. Même où l’ennemi n’a pas pénétré, tout Français a eu chaque jour, depuis plus de trois ans, à faire le sacrifice de ses aises, de ses goûts, de son argent, de son indépendance, lorsque ce ne fut pas de sa vie. Pourquoi le supplice de la France a-t-il été si long et dure-t-il ? Parce qu’il n’y a pas assez de Français. Si nous avions gardé à la France les familles fécondes, la guerre n’aurait jamais commencé ou elle serait déjà finie, et la France ne connaîtrait pas les innombrables dommages qui ont frappé les destinées de chacun. Et à supposer que la victoire de demain égale nos désirs, quelle garantie d’avenir nous apportera-t-elle, si nous ne remportons pas une autre victoire sur notre stérilité ? Si notre idolâtrie de nos commodités personnelles continue à restreindre les naissances, elle ne nous laissera pas même notre nombre d’avant la guerre, nos trente-neuf millions d’habitans. Il faudra les réduire d’au moins trois millions que cette terrible lutte aura tués ou irrémédiablement épuisés. Que nos ennemis continuent à progresser, comme nous à ne pas croître, en moins d’un quart de siècle, il y aura trois Allemands contre un Français. Ces évidences trouvent encore quelques aveugles, certains Français se refusent à l’effort. « Trop tard, murmurent-ils. Consacrerions-nous durant un quart de siècle toute notre énergie à accroître la race, notre fécondité n’engendrerait que notre ruine. Le chef de chaque foyer en deviendrait l’esclave, et son activité absorbée par son devoir de père suffirait à peine à nourrir les siens. Dépouillés de notre richesse par l’ennemi, dépouillés par nous-mêmes de nos aptitudes à nous refaire une existence nouvelle, nous deviendrions un peuple d’autant plus misérable qu’il serait plus prolifique, et c’est la joie de vivre qui aurait vécu. Notre avenir est un lendemain de tempête, et nous des naufragés ; le plus urgent